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Sujet: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Lun 29 Déc - 4:59
« ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck »
Le vent soufflait fort ce soir-là. Siobhan, emmitouflée sous deux couvertures, tendant les mains au-dessus du feu en attendant que le gibier qu’elle avait tué cuisse correctement. Sekhmet, couchée plus loin, la regardait du coin de l’heure. Quelque heures plus tôt, lorsque le soleil était en train de se coucher, elles avaient commencées à se disputer sur quelque fait peu important dont aucunes ne savait vraiment d’où ils venaient. Mais c’était comme toujours le plaisir de blesser l’autre, d’avoir raison, de sentir la colère monter, qui motivait ce genre de discussion entre elle. On aurait pu croire qu’elles finiraient par se lasser d’être toujours en train de mordre l’autre plus profondément, mais non, il y avait une excitation sans pareil à la haine qu’elles s’envoyaient. Sekhmet avait menacé de partir, et Siobhan lui avait dit de s’en aller. Et la dragonne était restée. D’un point de vue externe, on aurait pu penser qu’il s’agissait d’un comportement enfantin qui servait à énerver l’autre plus encore. Et c’était en fait tout à fait le cas. Mais Sekhmet n’était pas partie parce qu’elle sentait que ce soir, Siobhan avait besoin de sa présence, plus qu’habituellement. Dans chaque mot qu’elle crachait se trouvait un poison, et dans chaque regard, une lame acérée. Prétendre qu’elle n’en avait que faire aurait été la solution, et probablement qu’elle l’aurait fait en temps normal. Mais quand Siobhan se trouvait au bord de ses limites, il n’était jamais bon de la laisser seule dans la nature. Sa vulnérabilité à ses moments là, la laissait fragile si une quelconque attaque se produisait. Et il n’était pas rare que des dragons sauvages se promènent dans les environs. Même si la présence de l’immense dragonne noire avait tendance à dissuader, et même si les flèches empoisonnées de Siobhan perçait souvent dans les écailles solides des dragons, il y avait pourtant souvent des petits incidents qui obligeaient Sekhmet à cracher son feu.
Sans même lever la tête vers la dragonne, Siobhan lâche un petit rire, tourne le lièvre qui cuit trop lentement à son goût et s’adresse à Sekhmet d’une voix froide.
« Pourquoi tu es encore là ? Je croyais que sa majesté la dragonne voulait partir il n’y a pas moins d’une demi-heure. » La dragonne ricane avant de lever les yeux vers l’humaine, et de réaliser que celle-ci ne la regarde même pas. * Oh douce et naïve petite Siobhan. Tu crois sincèrement que tu peux te débrouiller seule ? Personne n’est là pour te protéger des monstres qui grouillent dans ton esprit dérangé si ce n’est moi. *
Siobhan se lève d’un bond et encoche une de ses flèches les plus mortelles. Elle a appris à les reconnaitre au toucher des plumes dont elle les orne. La dragonne se redresse brutalement et plonge ses yeux d’ambre dans le regard de la blonde qui la jauge de sa petite hauteur. Elle voit dans les orbes émeraudes que l’humaine ne rigole pas. Dans ses yeux brulent la folie qui s’est emparée d’elle, une fois de plus, ce soir.
* Cesse tes idioties, humaine. * « Bien sûr, je ne suis qu’une pathétique petite humaine, une idiote, une gamine trop naïve. » Elle serre les dents et bande son arc. « Une pauvre petite fille qui ne sait pas se protéger seule. Je vais te montrer comment mes flèches atteignent toujours leurs cibles. »
Et la patte de Sekhmet vole dans les airs. Elle ne voulait seulement que pousser l’arc au loin, mais sa griffe s’accroche dans le ventre de Siobhan et ouvre, ouvre sur toute la longueur, d’une plaie pourtant pas si profonde, mais qui commence directement à saigner. Siobhan tombe à genou, les mains agrippant directement son ventre. Elle sert les dents mais ne laisse pas échapper le moindre bruit, pas même un gémissement de douleur. Sekhmet la regarde quelque secondes, et quand l’humaine relève les yeux vers elle, elle comprend sans mot, ouvre ses ailes et décolle pour disparaitre dans l’obscurité. Va-t’en, ils lui crient, ses yeux pleins de haine.
Siobhan met un certain temps avant de réussir à se relever. Elle siffle puissamment, avant de déchirer un de ses pulls, et de l’entourer autour de son ventre pour éviter que le sang ne s’échappe trop. Son haut est déjà rouge, malgré la pression constante qu’elle exerce sur la blessure, et elle sait qu’elle ne tiendra pas longtemps. Depuis qu’elle a acheté son atelier, elle garde très peu de choses dans son campement. Et même, le matériel nécessaire pour recoudre une plaie n’a jamais fait partie de ses affaires. Etrange, d’ailleurs, quand on connait sa relation avec Sekhmet.
Des bruits de sabots résonnent dans le silence de la nuit, et une petite jument pie alezane apparait à travers les arbres, derrière la tente de Siobhan. Elle s’approche de la femme, et frotte son nez contre sa joue. D’une main, accroche une corde à son licol et se hisse avec difficulté sur son dos. Elle lui murmure quelque mot à l’oreille, et la jument part au galop, dirigée par Siobhan, pliée de douleur sur son dos.
Elle dirige la jument à travers la ville, et quand elle descend de son dos, ses jambes se dérobent sous elle et elle tombe au sol. Elle y est bientôt, le centre de soin est juste devant elle, il ne lui reste plus qu’à se faufiler à l’intérieur et à trouver une pièce vide qui contient du matériels de soin. Plus vite elle se serra recousue, et plus vite elle sortira de cette ville oppressante. Se glisser sans être vue dans le centre est facile pour elle, mais la difficulté réside dans le fait que son sang continue de s’écouler de son ventre, et qu’elle sent que la plaie s’est ouverte bien plus qu’elle ne l’était à l’origine. Elle n’a de toute façon pas le choix, et entre dans le bâtiment. La lumière qui règne à l’intérieur l’éblouit momentanément, mais elle se plaque contre le mur et évite. Elle sait que si elle s’enfonce dans le centre, elle aura moins de chance d’être vue, et s’est en s’accrochant au mur, en rentrant rapidement dans des pièces pour éviter les infirmières, qu’elle finit par réussir à se glisser dans un couloir plus sombre. Elle croise son reflet dans un miroir, et sa pâleur de mort l’effraie. Elle qui habituellement a déjà la peau pâle, la couleur craie qu’elle a pris réussi à lui faire comprendre l’ampleur de la situation. Elle décide alors de rentrer dans une des salles de soin les plus proches. Par chance, elle est vide, et la lumière est éteinte. Elle trébuche plusieurs fois, se raccrochant aux meubles alentours, sa main cramponnée à son ventre, sa main qui est depuis longtemps humide de sang malgré l’épaisseur du pull qu’elle a noué autour de son ventre. Elle aimerait vraiment pouvoir s’allonger sur le sol froid et s’endormir. Elle aimerait laisser ses jambes se reposer, juste un instant. Elle sait que si elle s’arrête, elle va mourir sur le sol froid, entourée de quatre murs, dans une ville hostile et jamais, jamais elle n’accepterait ça.
De sa main libre, elle se met à fouiller dans les tiroirs, renversant leurs contenus par terre. Et moins elle trouve ce dont elle a besoin, et plus elle s’énerve, plus la colère monte. Si elle se remet, Sekhmet va le lui payer. Elle lui plantera une flèche dans l’aile, en déchirera la membrane, pour la clouer au sol pendant des jours.
« Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck. Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck. Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck. Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck. Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck. » Elle grogne et arrache le tiroir de la commode, perdant l’équilibre et se rattrapant de justesse avant de tomber au sol. Car si elle tombe, elle ne se relèvera pas, cette fois ci. « Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck. Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck. » Elle doit encore le dire deux fois, mais elle entends du bruit dans la pièce d’à côté et sort sa dague de sa ceinture, sa main serrée sur le manche, l’autre agrippée à son ventre. « Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck. »
La porte s’ouvre, et Siobhan se campe du mieux qu’elle peut sur ses jambes faibles, prête à attaquer. Et pourtant, rien ne l’empêche de murmurer « Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck. » Tandis que ses yeux sont fixes sur la femme qui vient d’apparaitre dans l’embrasure de la porte.
Dernière édition par Siobhan O'Meara le Mar 30 Déc - 20:37, édité 1 fois
Beatriz Desio
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Mar 30 Déc - 1:35
Cette journée appartenait à la longue liste des journées noires au centre de soin d'Ignopolis. Certes, le monde dans lequel ils vivaient était dangereux, et les locaux se désemplissaient rarement, mais certains jours, certains jours comme celui-ci, le travail de Bea prenait une tournure dramatique, option apocalypse, et quand le soir venait, elle avait parfois oublié jusqu'à son prénom et ne rêvait que d'un endroit où se rouler en boule et dormir, loin du bruit des claquements de talon incessants des infirmières, loin du bruits des pleurs et des cris, loin du bruit des ordres, des appels, loin du bruit des mourants, et même des ressuscités. Loin du bruit des hommes. C'était l'un de ces soirs.
Après son dernier patient – un jeune garçon aux bras couverts de contusions et éraflures et qui avait refusé de révéler d'où elles venaient, et même si Bea n'avait eu d'autre choix que de le laisser partir après l'avoir soigné, elle lui avait répété avec insistance que la porte de son bureau était toujours ouverte, si par hasard il se rappelait quelle saloperie de mur lui avait joué un tour pareil et si par hasard quelqu'un pouvait peut-être lui faire entendre raison (ou le balancer d'un pont, songeait-elle sombrement, ce n'était pas le premier de ses patients à porter de telles marques et à se taire, ce ne serait pas le dernier, mais elle serait prête à tout pour que cela cesse) – Bea avait enfin pu fermer la porte de la salle de soin qui lui avait été attribuée les dernières heures et s'était réfugiée dans la salle de stockage adjacente, s'effondrant sans grâce sur un sac de coton hydrophile et fermant immédiatement les yeux. Il lui restait une demi-heure à tenir, encore une demi-heure et elle pourrait se déclarer morte et enterrée pour le reste de la nuit...
Elle fut réveillée – comment avait-elle pu s'endormir si vite ? Il était peut-être temps qu'elle cesse de faire des nuits de quatre heures – par des bruits de métaux s'entrechoquant sur le sol. Son esprit habitué à être alerte très vite lui fit savoir qu'il s'agit de la pièce d'à-côté, et elle n'hésita pas une seconde en chargeant droit sur la porte qu'elle ouvrit à la volée, remontant au passage ses lunettes sur son nez qui avaient glissé pendant sa sieste improvisée. Pour quelqu'un qui exerçait la responsabilité et la précaution à toute épreuve quand il s'agissait des autres, Bea était singulièrement téméraire quand elle était seule concernée.
Un défaut qu'elle allait probablement regretter ce soir, songea t-elle furtivement devant la vision qui l'attendait dans cette salle, avant que cette pensée ne soit balayée par l'horreur de la scène.
Son cerveau surentraîné embrasse tous les détails d'un regard. Les outils médicaux jonchant le sol qui l'ont réveillée. Le sang qui les macule, tombant goutte à goutte d'un pull trop rouge et trop humide noué autour de la taille d'une jeune femme. Jeune femme aux yeux fous et à la bouche sauvage qui lui fait face avec une dague à la main. Scène de cauchemar. Scène de fin du monde.
Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck.
Première réaction. Un souffle. Un murmure.
« Oh mon dieu... »
Deuxième réaction. Garde. Parfaite. Que seule peut obtenir une praticienne régulièrement de l'escrime ou des arts martiaux.
Troisième réaction. Elle avance.
« Mademoiselle... »
La jeune femme est d'une beauté terrible et tragique. Une beauté cruelle. Malgré le sang, malgré l'angoisse, malgré l'étrangeté bouleversante de la scène, Bea peut s'en rendre compte. C'est une beauté au parfum de mort qui la fait frissonner et qu'elle ne parvient pas encore tout à fait à apprécier, mais qui la fascine. Ça, c'est ce qu'elle dégage. Mais si l'on s'en tient aux boucles blondes, à la peau pâle, aux yeux d'émeraude, c'est une beauté angélique qui ferait chavirer le cœur.
Pour l'instant, celui de Bea délègue tout à son cerveau, comme d'habitude.
Mais cela n'empêchent pas les serpents de s'agiter dans son ventre dès qu'elle se perd un peu trop longtemps dans les yeux d'eau claire de la jeune femme.
« Posez cette arme s'il vous plaît. Vous ne parviendrez pas à soigner ça vous-même. Laissez-moi vous examiner, d'accord ? Je ne vous veux aucun mal. Je n’appellerai personne. »
Elle s'arrête. Proche et encore loin. Juste assez pour esquiver le coup s'il venait à partir. Elle regarde la jeune femme droit dans les yeux. Sans une once de crainte ou d'incertitude. Une pure flèche de volonté et de puissance sereine. Mais son coeur tambourine comme un oiseau blessé.
« Laissez-moi vous aider. »
Siobhan O'Meara
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Mar 30 Déc - 20:53
Elle hait Sekhmet. En cet instant, plus qu’elle ne l’aurait cru possible. C’est tellement extraordinaire d’être lié à un dragon, lui disait Rajeeva, tandis qu’il lui apprenait à tailler correctement les arcs de chasses. C’est magique, Siobhan, tu as une chance extraordinaire. Profite en. Elle avait haussé les épaules, et était partie quelque jours. Il n’y a rien de magique à être lié à Sekhmet, la dragonne est un monstre sans égale, et au milieu de leur guerre sans répit, parfois elle est un phare dans l’obscurité. Mais ces parfois se perdent au milieu de la haine. Parce que Sekhmet n’a rien d’un miracle, n’a rien d’extraordinaire, et une fois de plus Sekhmet a commis une erreur. Et Siobhan, au fond d’elle, sait que cette erreur peut aujourd’hui couter la vie.
L’irlandaise a le regard fixer sur la nouvelle venue. Elle ne peut la quitter des yeux une seule seconde, parce qu’elle sait qu’elle ne peut pas fuir, si ce n’est pour aller crever comme un chien dans la rue. Seule et abandonnée. La femme est d’une beauté sans pareil, sa peau légèrement halée et ses yeux bruns foncés qui la regarde avec attention. Siobhan serre les dents, et sa main se referme plus fort encore sur la garde de sa dague. Les belles femmes sont dangereuses, celles qui sont capable de vous couper le souffle quand vous posez le regard dessus sont les pires. D’un sourire, elles obtiennent tout ce qu’elles veulent, et peuvent vous briser le cœur en un instant. Heureusement, ce n’est pas comme si il y’a quelque à briser dans ce corps froid et mort, dans le tombeau qui lui sert de corps. Et pourtant, quand elle pose son regard sur les lèvres de la jeune femme, et qu’elle se plonge un instant dans son regard, elle sent les battements de son cœur qui accélèrent.
La femme avance, et Siobhan a envie de reculer. Elle est fatiguée, et elle a mal. Elle a tellement mal que sa tête lui tourne et qu’elle est obligée de lâcher son ventre pour s’agripper au meuble à côté duquel elle est. Elle monte sa dague, prête à attaquer, si la femme s’approche plus près. Ne jamais montrer tes faiblesses, même quand tu te vides de ton sang. « Posez cette arme s'il vous plaît. Vous ne parviendrez pas à soigner ça vous-même. Laissez-moi vous examiner, d'accord ? Je ne vous veux aucun mal. Je n’appellerai personne. » Elle secoue la tête de gauche à droite, encore et encore. Elle veut juste un fil et une aiguille, quelque minutes de solitude, et elle ressortira de cet endroit comme neuve. Si elle avait voulu qu’on lui examine les tripes, elle se serait arrêtée à l’entrée, au service des urgences. Mais comme elle ne l’a pas fait, ce n’est clairement pas son intention. Intérieurement, une petite voix ricane. La femme a précisé qu’elle ne lui voulait aucun mal. Tout le monde lui veut du mal, et quand on sait comme elle est aisément brisée, on peut facilement en profiter. Mais personne ne sait ça. Personne ne sait comme elle a peur, quand elle respire. La femme s’arrête, et la tension qui brule les épaules de Siobhan se relâche légèrement. Dans les yeux bruns qu’elle observe, elle voit cette détermination qu’elle a rarement observée chez les êtres humains. Ils sont si mous. S’ils pouvaient éviter de devoir sortir un instant de leur zones de confort, ils le feraient sans problème, et pourtant cette femme en est probablement sorti, et elle garde une volonté d’acier. Ou alors, voir les gens se vider de leur sang est sa zone de confort. Siobhan sourit à cette idée, parce que pour elle, voir quelqu’un crever à ses pieds est clairement quelque chose qu’elle apprécie. Maman avait dit qu’elle était un monstre. Ou alors était-ce une prédiction parce qu’elle avait vu le chemin que sa fille allait prendre ? Et à cette pensée, Siobhan se rends compte qu’elle se leurre, elle n’a choisi aucun chemin. Personne ne lui a jamais donné le choix pour rien. Ils ont tous tracé sa route à coup de gifles et à coup de hanches.
« Laissez-moi vous aider. »
Son attention revient soudain sur la femme qui se tient toujours là, et un rire rauque s’échappe d’entre ses lèvres. Elle repousse les cheveux qui lui colle au front de la main qui la tenait debout, laissant des traces de sang s’imprimer sur la peau diaphane, et enroule une mèche autour de son doigts avant de tirer, et d’arracher, laissant tomber ensuite les cheveux blonds par terre.
« Non. »
Il est souvent difficile de mettre autant de glace dans un seul mot, et pourtant Siobhan a enrobé son refus de froid tranchant et l’a jetée au visage de l’autre femme. Sa main serrée, sur sa dague, l’autre qui enfonce ses ongles dans sa paume, elle s’avance d’un pas, puis de deux. Elle essaye de calmer son cœur qui s’affole sous l’effort. La douleur est oubliée, relayée au fond de son esprit tandis que des calculs ont pris possession de son crâne. Le sang bat à ses tempes, toujours plus fort, et ses yeux s’embrument un peu. Si elle doit mourir, elle mourra debout, les dents serrées et les yeux pleins de rage, et pas par terre comme un animal. La femme a probablement raison, a ce stade, elle ne pourra pas se recoudre toute seule, mais ça lui est bien égale. La dague tremble dans sa main. Ou alors c’est sa main qui tremble. Elle n’en est pas sûre. Peut-être que c’est son corps qui tremble. Ou alors c’est juste parce qu’elle ne voit plus très clair. Elle a tellement froid aussi. Elle est tellement fatiguée. Elle penche la tête sur le côté et observe quelque secondes la femme.
« Pourquoi vous dites "vous" ? »
Sa question sort de nulle part, mais pour elle, elle a un sens. Personne ne l’a jamais vouvoyé. Elle n’est que la petite Siobhan. Pas besoin de dire vous quand on frappe, quand on fait saigner, quand on brutalise, quand on viole et qu’on détruit. Pas besoin de dire vous quand on cajole, quand on enseigne. Et surtout, pas besoin de dire vous à quelqu’un qui n’existe pas. "Tu" suffit largement pour un monstre. C’est même déjà bien trop. Dans sa langue à elle, celle dans laquelle Mère lui parlait, il y avait she ou he. Mais Siobhan s’est depuis bien longtemps placée dans le it. Ça ne la dérange plus. Pauvre, pauvre petite Siobhan, naïve petite Siobhan, humaine insignifiante. Même Sekhmet n’a jamais pris la peine de la considéré autrement que petite ou simplement humaine. Après tout, la dragonne a raison. Elle est pourrie, toxique.
Elle finit par se reprendre et avance encore d’un pas, menaçante. La distance qui la sépare de l’autre femme est en train de se réduire dangereusement. Elle ne baisse pas sa dague, mais ne menace pas non plus. Elle la tient entre elles deux, pour essayer de lui faire comprendre qu’elle est dangereuse. Mais sincèrement, l’est-elle vraiment, se vidant de son sang, le teint balafre, le corps tremblant et l’esprit embrumé.
« 729. 2187. 6561. »
Elle grommelle maintenant, sa bouche est tellement pâteuse qu’elle n’arrive pas à parler correctement. Et cette femme la déconcentre. Elle devrait plutôt continuer sa recherche, se recoudre et partir. Mais maintenant qu’elle est bien plus près d’elle, elle voit les détails de son visage, et elle est fascinée. Comment un simple visage peut s’approcher autan de la perfection, elle se demande. Et essaye de ne pas la regarder dans les yeux, et quand elle le fait, derrière ses lunettes, son regard brille et cette couleur, cette couleur lui rappelle tellement les yeux de maman. Elle lève à nouveau sa dague, menaçante, et grogne, quelque part entre l’avertissement du l’animal et la douleur de l’humaine. Elle est comme un loup blessé. Elle montre les dents, et elle a tellement, tellement mal.
Beatriz Desio
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Mar 30 Déc - 22:05
Cette femme est malade. Elle n'a pas sa place ici, mais à l'hôpital psychatrique. Derrière des barreaux. étouffée par une camisole. Cette femme est folle. Cette femme est dangereuse. Cette femme est une bête, un animal. Et elle a l'air d'un monstre.
Tous ces jugements rationaux sont immédiatement balayés par le tourbillon d'émotions incompréhensibles qui agite Beatriz. Remplacés par d'autres pensées, des pensées interdites, des pensées qui la marquent comme folle, elle aussi.
Cette femme est fascinante. Cette femme est belle. Cette femme est touchante. Cette femme est un mystère. Palpitant. Et derrière le masque du démon, elle voit les ailes brisées de l'ange déchu.
La dague se redresse, quand la femme chancelle, un instant Bea croit la voir basculer, s'apprête à intervenir, mais l'inconnue se rattrape, et brandit son arme de plus belle. Une louve montrant les dents. Une louve au pelage d'or et de sang. Bea lève les mains, dans un geste qui paraît inoffensif, comme pour se rendre, témoigner de son absence d'intentions nocives, mais elle ne fait que renforcer sa garde. Elle ne se laissera pas prendre par surprise, peu importe à quel point elle a envie d'aider cette jeune inconnue. D'aider ? Oui, bien sûr. C'est plus qu'un réflexe chez elle, désormais, c'est un instinct. Mais celui-ci va au-delà. Elle le ressent comme une véritable nécessité. Elle doit aider cette femme. Elle le doit. Elle ignore dans quel livre du destin ce fait est écrit, mais elle sent que c'est une route inexorable qu'elle doit emprunter. Et elle brûle de le faire. Si seulement celle qu'elle venait de décréter sa nouvelle patiente voulait se montrer un peu coopérative... mais après tout, on peut se douter qu'une femme qui semble prête à se recoudre elle-même et qui menace de tuer le premier venu ne sera pas vraiment accommodante. Elle secoue désespérément la tête, rejetant son aide, rejetant ses raisons. Refusant d'écouter, refusant d'accepter. Mais Bea a élevé trois hommes (dont un qui ne l'est pas encore tout à fait), prodigué soins et conseils à la moitié de la population d'Alba, et a récemment été promue à la tête d'une équipe de Guérisseurs qui s'occupent des cas les plus délicats depuis qu'elle a été engagée ici. Les patients difficiles, elle en a eu son compte. Celle-ci a simplement un peu plus de tranchant dans ses arguments.
« Vous n'allez pas pouvoir vous soigner seule. J'exerce ce métier depuis 12 ans. Vous pouvez me faire confiance, je sais de quoi je parle. Si je ne vous aide pas vous allez mourir. »
Un peu brutal, peut-être, mais vrai et efficace. Bea fait rarement dans la dentelle, on lui a souvent reproché sa franchise douloureuse envers les patients. Elle se contentait de hausser les épaules et de répliquer vertement qu'elle ne faisait pas dans la fausse sympathie, et que si elle avait été à leur place, elle aurait voulu savoir tous les détails et ne pas être dérobée d'informations vitales à cause d'un peu de pitié. Mais ce n'était qu'un reproche qu'on lui faisait sans trop de sévérité. Chacun ici avait pu constater à quel point Bea était proche de ses patients, à quel point elle se dévouait pour leur cause, discrètement, secrètement, sans en faire tout un plat, et si elle se laissait parfois aller à de l'affection, elle ne le montrait jamais, et quand une histoire finissait mal, il n'était pas rare que l'un de ses collègues la retrouve à pleurer dans son bureau ou dans la remise. En silence. Sans éclats. Personne n'en faisait mention, et elle reprenait le travail deux minutes après la dernière larme. En silence. Sans éclats.
La jeune femme se détend légèrement quand Bea s'arrête, et cela la rassure. Ça, combiné au fait qu'elle ne l'a pas encore attaquée, l'incite à penser qu'elle ne court peut-être aucun danger. Si l'inconnue avait du lui poignarder le cœur, elle l'aurait probablement déjà fait. Attendre mettait en danger sa vie. Donc, elle avait une chance... une faible chance, une chance de miracle, mais c'était dans ce département que Bea travaillait le mieux, triomphant du sort à la pointe de l'aiguille, bravant l'impossible de ses mains expertes.
L'inconnue parle enfin. Un simple mot. Non. Et Bea se force à rester immobile quand elle la voit s'arracher les cheveux, même si tout son corps lui hurle de bondir et de lui attraper la main pour l'en empêcher. Elle regrette de ne pas avoir quelque chose sous la main. L'assommer pourrait être une bonne solution pour la traîner jusqu'à une salle d'opération sans risquer l'éventration. Comment percer les défenses de cette femme à temps avant que les derniers grains de sa vie tombent au fond du sablier de même que tomberont ses dernières gouttes de sang sur ce sol froid et blanc ?
Pourquoi vous dites « vous »?
Bea inspire profondément. Elle lui parle. Elle interroge. C'est un premier signe. Un bon signe. Peut-être y a t-il encore de l'espoir dans cette affaire. Bea lui sourit, et elle songe que quelqu'un de plus avisé serait peut-être déjà parti, que quelqu'un de plus sage aurait été ameuter le service, aurait ramené tout l'équipe dans cette pièce jusqu'à ce qu'ils parviennent à la maîtriser et la soigner. Ils auraient plus de chance à plusieurs. Mais outre le fait qu'elle exposerait quelqu'un d'autre aux coups de couteaux de la jeune femme, Bea n'a jamais été... Traditionnelle. Elle sourit, et c'est le sourire qu'elle réserve pour Dagan lorsque quelqu'un s'est encore moqué de lui à l'école en faisant des gestes obscènes en réponse à sa langue des signes, quand Elio vient de nouveau d'avoir le cœur brisé, quand Rufio ne veut pas s'avouer qu'il en a un, lui aussi, de cœur, et qu'il est blessé, lui aussi. C'est un peu un sourire de mère qui va savoir trouver les mots justes. C'est le sourire d'une amie qui vous prend dans ses bras. C'est le sourire de Bea, qui plane comme un aigle protecteur au-dessus de chacun de ses patients, la plus douce des médecine.
« Je vous vouvoie parce que je ne vous connais pas. C'est une marque de respect. Et puis on n'a pas idée de tutoyer quelqu'un qui vous impressionne. Et vous êtes plutôt impressionnante, mademoiselle. »
Elle sourit encore, plus légère que la situation ne le permet, ses yeux pétillent derrière ses lunettes.
La femme brandit sa dague de plus belle. Avance. Bea ne bouge pas d'un pouce. Son sourire ne failli pas. Elle la regarde, et son regard s'est durci, mais de concentration, elle lui tient tête, ne la quitte pas des yeux, ses talons lui donnent exactement la même taille qu'elle. Elle fronce les sourcils devant la litanie de chiffre que lui débite la jeune femme. D'abord cette phrase dans cette langue qu'elle connaît mais maîtrise maladroitement, et maintenant ça... il y a quelque chose de plus que la blessure et le poignard. Quelque chose qui saigne, aussi, là-haut. Quelque chose qui l'intrigue, qui titille à la fois la scientifique et l'humaine en elle. Mais ce n'est pas le bon moment pour les expériences et les découvertes, pas quand la dague est presque sous son nez et qu'on lui montre les dents. Bea penche légèrement la tête avec un sourire triste.
« Je suis désolée. »
D'un bond pratiqué des centaines de fois pendant ses entraînements, elle se glisse contre le flanc de la jeune femme, attrape son poignet, le bloque dans un étau de fer. Elle connaît la bonne pression pour faire lâcher à quelqu'un son épée, et la dague ne résiste pas à cet assaut, et tombe sur le sol avec un bruit clair. Son autre bras vient entourer la taille de la jeune femme, pour la soutenir. Elle ne lâche pas son poignet.
« Je peux vous soigner mais je ne le ferai pas avec un couteau sous la gorge. »
Leur proximité lui impose de lui parler presque à l'oreille, et elle frissonne de façon absolument inconvenante à ce contact imprévu de leurs corps.
« Parce que je vais vous soigner, en dépit de vous-même. Il n'y a rien que vous puissiez faire pour vous en sortir seule, si ce n'est accepter mon aide, maintenant. Je vous en prie. Je ne veux pas que vous mourriez. »
Ses yeux brillent d'histoires achevées dans les larmes et le sang, de vies coupées trop vite, d'enfants partis trop loin, de femmes venues trop tard, d'hommes déjà condamnés. Mais elle sourit à nouveau, et ce sourire est dur. Décidé.
« Et vous ne mourrez pas. Pas tant que vous êtes entre mes mains. Je vous en fais la promesse. »
Et c'est une promesse qu'elle a rompu bien moins souvent que ses collègues. Qu'elle n'accorde pas aussi aisément, non plus.
« Est-ce que je peux lâcher votre bras, maintenant ? »
Dernière édition par Beatriz Desio le Sam 3 Jan - 12:22, édité 1 fois
Siobhan O'Meara
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Mar 30 Déc - 23:11
« Je vous vouvoie parce que je ne vous connais pas. C'est une marque de respect. Et puis on n'a pas idée de tutoyer quelqu'un qui vous impressionne. Et vous êtes plutôt impressionnante, mademoiselle. »
Siobhan secoue la tête à nouveau de la négatif, et se met à rire, d’un de ses rires glacials qui hante les nuits, qui gèle le sang et étale sa folie contre les murs. Et soudain, elle se tait et pose son regard sur la femme.
« Madame. »
Elle s’enfonce un couteau dans les entrailles quand elle dit ça, mais la réalité est telle. Et Siobhan a cessé depuis longtemps de lutter contre la réalité. Elle sait qu’elle ne peut y échapper, que le poids de sa vie restera à jamais sur ses épaules. Elle peut fuir le monde entier, s’enfermer dans sa bulle, sombrer au plus profond de la folie, mais elle n’oubliera jamais qu’elle a été souillée, brisée, trainée au sol. Qu’elle n’est plus rien. Qu’elle n’est qu’un morceau de viande que l’on jette au loup. Elle grogne encore une fois et ferme les yeux, chancelle un instant, ajuste sa prise sur la garde du poignard et rouvre les paupières. La femme est toujours là, ce n’était pas une simple illusion de son esprit malade et de son corps épuisé. Etrange. Une femme comme ça ne peut être que le fruit d’une imagination dérangée. Qui aurait idée de créer de telles formes, avec un si beau visage, si ce n’est Dieu. Et Dieu n’existe pas.
Elle entend les mots, mais ne les comprends pas. La jeune femme a déjà bougé, collée à elle. Son poignet est prisonnier et sa dague tombe au sol. Un bras entoure sa taille. Et les lèvres bougent, mais Siobhan n’entends rien. Rien d’autre que ses hurlements de terreur qui résonne dans sa tête. Elle avait le pouvoir, elle avait l’arme. Et elle se retrouve prisonnière. A nouveau. Ses yeux brillent de peur et la nausée s’accroche à son ventre. Elle est tétanisée. La douleur est relayée au second plan, tandis que la peur s’insinue dans chaque parcelle de son corps. Elle ouvre la bouche, la referme, et refait la même chose encore et encore.
« Est-ce que je peux lâcher votre bras, maintenant ? »
Et ses mots font écho dans sa tête, enclenche un mécanisme et elle se met à se débattre du plus fort qu’elle peut. Elle sent son sang s’échapper plus fort de sa plaie, son ventre se tordre sous la douleur, mais elle n’en a que faire. Son corps se rejette de lui-même en arrière, sa main libre vient griffer la joue de l’autre femme, et ses dents se referment sur la main qui la tient prisonnière, la forçant à la lâcher. L’adrénaline qui coule dans ses veines lui fait oublier la fatigue et la douleur. Sa tête lui tourne si fort, et pourtant, elle repousse l’autre femme de toutes ses forces, l’attrapant par les cheveux. Et elle se jette au sol pour attraper sa dague.
Elle aurait pu hurler, hurler de toute la puissance de ses poumons lorsqu’elle sent son ventre se déchirer plus encore, mais elle ne fait que gémir, simplement gémir, et elle attrape sa dague. Elle n’a même plus la force de relever la tête. Elle a tellement mal. Elle est prise de haut les cœurs, mais serre les dents et se concentre, tandis que les vagues de douleurs la traverse tel un tsunami, détruisant tout sur son passage. Elle sent l’humidité au coin de ses yeux, mais elle sait, de toute sa volonté, que ça n’ira pas plus loin. Les images de Damien, l’emprisonnant sous le poids de son corps flashent derrière ses rétines, ses grognements, les ricanements de ses deux amis, le mur froid contre son dos, le matelas dur sous elle. Elle secoue la tête, une fois, deux fois. Chasser les images. Damien est mort. Damien est mort de ses mains. Elle a étalé son sang contre les murs de chez elle. Damien ne reviendra plus. Reprends-toi. Reviens. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Neuf. Find a penny, pic kit up, all day long you’ll have good luck.
« Pas. Toucher. » Elle grogne entre ses dents. « Jamais. »
Elle se redresse, tient sa dague devant elle plus fermement que jamais, pour tenir la femme à l’écart, et s’accrochant au meuble, elle se lève en gémissant de douleur. Sa respiration est saccadée, sa tête est sur le point d’exploser, mais elle ne quitte pas une seule seconde la femme des yeux. Elle relève presque les lèvres, pour lui montrer les crocs.
« Pas. Approcher. » Et là, parce qu’elle regarde dans ses yeux si semblable à ceux qui la hante, elle prononce ses mots qu’elle ne dit jamais. « S’il te plait. »
Elle a tellement peur, elle veut partir, s’en aller. Et elle repose son regard dans celui de la femme, et se respiration commence à se calmer. Elle ne peut la quitter des yeux. Elle repense à maman, à sa douceur, à sa caresse et à ses mots doux. Sa respiration redevient plus régulière, quoi que sifflante malgré la douleur. Maman qui lui parle à l’oreille. La mémoire de sa mère se superpose à ce que la jeune femme a fait quelque instant plus tôt. Maman qui sourit, maman qui cajole. Les mains de la femme qui entoure sa taille et la soutienne. Les yeux de maman, qui aime, qui protège, qui rassure. Sans s’en rendre compte, elle a baissé son arme et s’est approchée. Maman qui lui dit qu’elle l’aime. La femme qui lui dit qu’elle ne veut pas qu’elle meurt (Siobhan se demande où son esprit à entendu ces mots, alors qu’elle n’en a pas eu conscience). Elle pose la dague sur le meuble, lâche la garde et avance. Maman qui sourit. Maman ne fait pas de mal. Maman soigne. Elle a les yeux de maman, mais les yeux à elle-même aussi. Des yeux qui ne la lâche pas un instant. Sa voix à son oreille, et son envie de la lâcher. Son envie de la lâcher. Pas comme Damien. Pas faire du mal. Elle s’est encore rapprochée, ses jambes tremblent, mais son regard ne quitte pas celui de l’autre femme. Et soudain, il s’égare jusqu’à ces lèvres, épouse ce visage envoutant. Ce n’est pas maman. Son sang coule de sa plaie et tombe à ses pieds en grosses gouttes.
« D’accord. »
C’est un murmure, mais c’est sorti quand même d’entre ses lèvres, les même qui soudain, d’un mouvement vers l’avant, se retrouve contre celle de l’autre femme, tandis que ses mains s’agrippent à ses épaules. Ses lèvres qui ont bougé de leur propre accord et qui embrasse, d’un contact qui agite son cœur, embrase ses veines. Et au moment où leurs lèvres se touchent, c’est le vide dans la tête de Siobhan. Il n’y a plus de voix qui lui disent qu’elle n’en vaut pas la peine, il n’y a plus la voix de Damien qui la traite de *, il n’y a plus Sekhmet, qui l’empoisonne de ses mots suaves et toxique. Il n’y a plus rien d’autre que l’odeur de l’autre femme, et ses lèvres contre les siennes.
Dernière édition par Siobhan O'Meara le Mer 31 Déc - 21:56, édité 3 fois
Beatriz Desio
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Mer 31 Déc - 0:50
Then I see your face I know I'm finally yours I find everything I thought I lost before You call my name I come to you in pieces So you can make me whole ~
Elle rit. Bea s'en fiche que ce soit un rire sadique. Un rire fou. Un rire cassé. Elle s'en fiche parce qu'un rire, c'est humain. N'en déplaise aux hyènes et aux bourreaux. Le rire est ce qui arrache le nouveau-né au règne des bêtes et lui offre l'humanité. Le rire c'est ce qui crée les fées. C'est déjà bien, de rire. Maintenant, il faudrait qu'elle apprenne à sourire. Mais d'abord, elle doit vivre.
Bea se force à sourire, même si elle voudrait hurler, la secouer, parce que cette tension est insupportable, parce que le sang continue à couler, goutte par goutte sur le sol couvert d'écume rosâtre, parce que les yeux si bleus si verts comme la mer deviennent vitreux, deviennent pâles de mort, et il n'y a plus beaucoup de temps, mais elle doit rester là, à sourire, à plaisanter, à distraire, comme lorsqu'elle remet une épaule en place, comme lorsqu'elle rassemble un os, comme lorsqu'elle détache une jambe, comme lorsqu'ils sont à l'agonie et qu'ils cherchent un visage, un dernier visage à emporter avec eux, elle doit sourire, légère, ne regardez pas la douleur, ne regardez pas la mort, regardez moi et ne pensez à rien, je suis là, vous n'êtes pas seul.
« Madame. Je n'aurai pas deviné. Mais madame qui ? Moi c'est Beatriz. Bea, en général, les gens sont paresseux. »
On pourrait presque se croire au salon de thé. Ne manque que la poignée de main d'introduction. L'odeur des biscuits chauds. À entendre la voix enjouée de Bea, qui pourrait penser qu'elle joue aux dés avec la Vie et la Mort, les pires tricheuses qui soient ?
Tout va terriblement vite ensuite. Pendant un instant très bref, à peine une seconde, Bea se prend à espérer que la femme va se ranger à la raison, qu'elle va lâcher prise... Elle n'a pourtant rien d'une optimisme forcenée, Bea. Mais il semble que dans ce cas, elle ait bien trop d'espoir pour une cause qui paraît perdue.
Bea relâche son étreinte dès qu'elle sent la jeune femme s'agiter brutalement, non par surprise, bien qu'elle le soit, mais parce qu'il n'est pas question qu'elle malmène qui que ce soit. Sauf que pour le coup, c'est elle qui prend. Elle grimace en sentant les ongles érafler sa joue et laisse échapper un petit cri quand l'inconnue lui mord la main. Elle a autant de force dans les mâchoires qu'un chien. Elle doit avoir l'habitude. Avant d'avoir eu le temps de riposter, Bea est jetée au sol, balancée par les cheveux. Elle ne cherche pas à résister, la femme est plus forte qu'elle, malgré son état de faiblesse, ses muscles crient sa puissance, elle a l'habitude de se battre, Bea accompagne le mouvement, roule, se redresse aussitôt, sa mère serait fière, elle danse le combat, même sans épée. Elle regarde la femme qui grogne, bestiale, sauvage, barbare, elle ne daigne pas tourner les yeux vers la dague, elle ne quitte pas son visage, méfiante, observant chaque geste avec l'acuité d'une praticienne chevronnée du corps humain, elle perce l'armure avec ses yeux, tente de deviner les mouvements.
Même quand elle parle, la femme est presque inhumaine. Les mots sont hachés. Avalés. Crachés. Ce n'est pas du langage, c'est du massacre. De la haine et de la douleur, exhumées en un souffle brisé, un souffle de mourante. Elle est proche, maintenant. Proche de la fin.
S'il te plaît.
Les yeux de Bea brillent, frémissent, se souviennent. D'autres supplications, d'autres implorations, vaines. Chassent le souvenir. Lentement, elle passe la main sur sa joue où perlent quelques gouttes de sang.
« Vous auriez pu penser au « s'il vous plaît » avant d'en venir aux griffes. »
Sans changer sa posture, elle désigne sa main crispée de douleur où se détachent, nettes et violacées, les marques de dents.
« Comment je vais faire moi pour vous recoudre si je ne peux pas me servir de ma main ? »
Elle a le même ton avec tous les patients violents. Tous les enfants turbulents. Ferme. Sensé. Logique. Elle n'est pas du genre à sucrer ses mots, ni à les prendre pour des imbéciles. Elle expose les faits comme ils sont. Toujours. Elle les met face à leurs responsabilités.
« Vous pouvez me balafrer le visage tant que vous voulez, je n'en ai pas besoin pour travailler. Mais sans mes mains, je ne suis rien, alors vous n'y touchez plus, c'est compris ? »
Son ton est glacé quand elle termine, mais ses yeux se sont réchauffés. C'est alors qu'elle se rend compte que d'après ce qu'elle vient de dire à l'inconnue, elle a l'intention de réessayer. Malgré tout. Apparemment des menaces de morts ne sont pas suffisantes pour faire reculer Bea. Elle n'est pas du genre à renoncer facilement, mais tout de même...
« Je ne vais pas tenter de vous maîtriser à nouveau, c'est promis. Mais si je veux être efficace, il va falloir que je vous approche. Et que je vous touche. Et je ne vous soignerai pas si vous gardez cette dague à la main. Alors, pour la dernière fois. Laissez-moi vous aider. Je vous en conjure. »
Sa voix craque légèrement sur la fin, noyée de désespoir. Cette inconnue ignore tout d'elle. Alors elle ne peut savoir la torture qu'elle impose à Bea en refusant de se laisser soigner. Elle ne peut savoir que pour Beatriz, il est intolérable de voir quelqu'un souffrir, en particulier quand elle sait qu'elle peut alléger cette souffrance. Elle ne peut savoir que son travail est sa raison de vivre, elle ne peut savoir tout ce que signifie pour elle d'être capable de soigner, réparer, apaiser les autres, non elle ne peut rien savoir, et Bea ne le lui dira pas, mais ses yeux, ses yeux le crient, ses yeux sans fin ni fond, ses yeux sans lumière mais débordant de chaleur, ses yeux qui trahissent tout, trop fort, trop vite, même quand son visage est un masque de cire.
« S'il vous plaît. »
La femme la regarde dans les yeux. Quelque chose se passe. Elle ignore quoi, mais des frissons de plus en plus nombreux, de plus en plus rapides, incompréhensibles, incontrôlables, s'éparpillent le long de son dos, au creux de son ventre. Elle observe, incrédule, immobile, la jeune femme baisser son arme, s'avancer, la poser, et se poster devant elle. Calme. Presque sereine. Sans hésitation, quand elle accepte.
Bea ferme un instant les yeux de soulagement, enfin, elle a dit oui – folle, pauvre folle, fermer les yeux devant un animal sauvage, c'est pire que lui tourner le dos – et en effet, quand elle les ouvre, la bête passe à l'attaque. Mais ce n'est pas de l'acier qui vient à la rencontre de son visage. Ni même des griffes. Ce sont des lèvres. Bea est si surprise qu'elle entrouvre la bouche, peut-être pour crier, peut-être pour dire non, elle lève les bras, ses mains saisissent les épaules de la jeune femme, mais elle ne la repousse pas, pas tout de suite, la langue qui se glisse contre la sienne est douce, les lèvres sont douces, la peau est douce, le parfum est tendre, tout est à l'envers chez cette femme, elle s'attendait à des crocs, à des pics, à des épices et du feu, et oui ils sont là, en veille, mais quelque chose les tient en respect, quelque chose qui tient peut-être à la façon dont elle est étreinte par cette jeune femme, comme si elle était une tour de lumière dans la tempête, dernier rempart contre la mort et l'oubli, et la tête lui tourne sous ce baiser qui lui fait ressentir des choses qu'elle ne devrait pas ressentir, et –
Elle la repousse. Et la retient dans ses bras, avant qu'elle ne tombe au sol.
Ses lèvres la brûlent, mais elle n'a pas le temps de se préoccuper de cela pour le moment. Avec une douceur que l'inconnue ne mérite pas vraiment pour l'avoir brutalisée tout à l'heure – mais Bea n'est pas là pour dire qui mérite quoi que ce soit, et d'abord, le mérite, dans son monde, ça ne veut rien dire, il n'y a ni récompense pour les bons, ni punitions pour les méchants, et bien malin saurait deviner qui est qui, et pour elle Siobhan est à sauver, pas à châtier – elle l'allonge sur le sol, guidant sa tête pour qu'elle ne se blesse pas, et elle garde ses mains autour du visage de la femme pendant qu'elle lui murmure avec un sourire:
« Vous êtes une bien étrange personne. »
Elle se redresse, et continue à parler tout en défaisant le nœud de son pull:
« Mais comme j'aimerai autant que le baiser que vous m'avez volé ne soit pas votre dernier, vous allez essayer de vous tenir tranquille deux secondes et me laisser travailler, d'accord ? »
Elle place le pull gorgé de sang derrière la tête de la jeune femme, pour la mettre plus confortable – ses cheveux vont être dans un sale état, mais elle n'est plus à ça près – et examine enfin la blessure. Grimace. Mais se sent en même temps soulagée. C'est laid, c'est large, mais ce n'est pas très profond, et par chance extraordinaire, aucun organe vital n'est touché, par d'artère majeure. La plaie est propre, nette, pas de corps étrangers, rien d'aspect douteux. Et surtout, c'est réparable. Bea exhale lentement. Elle peut le faire.
Beatriz ne serait pas une véritable professionnelle si elle n'était pas capable de faire abstraction de tout ce qui pourrait la perturber dans son travail, et elle possède une capacité à mettre de côté ce qui la gêne proprement admirable (au point d'être effrayante). En quelques secondes, elle rejette l'étrangeté de cette situation, le stress, l'effroi. Il n'y a plus qu'elle, le patient, et un cas comme un autre, qu'elle va résoudre. D'un geste vif et précis, elle retire sa blouse, la presse contre la plaie. Il est temps d'arrêter cette hémorragie. Elle se remet à parler à Siobhan, pour être certaine qu'elle reste consciente.
« C'est une blessure impressionnante que vous avez là. Comment est-ce arrivé ? »
Spoiler:
J'ai trouvé la chanson parfaite pour Siobhan **
Siobhan O'Meara
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Mer 31 Déc - 21:35
Ce baiser à un goût de nouveau, de douceur, de tendresse, d’interdit, de chaleur. Quelque chose qu’elle ne connait pas. Il y a bien eu quelque baiser, plein de ferveur et d’adrénaline, avec quelques femmes trop idiotes pour croire que Siobhan pouvait leur offrir quelque chose. Mais ils n’ont jamais eu ce goût là, ils n’ont jamais agité son cœur de cette façon. Jamais elle n’avait eu l’impression que sa bouche était faite pour épouser cette de l’autre, que ses lèvres avaient enfin trouvé leur place. Le désir qui gronde dans son ventre, malgré la faiblesse de son corps, elle le connait, mais jamais de cette façon, jamais si fort. La douceur de sa langue contre la sienne, la chaleur de ses lèvres, son parfum si envoutant serait-il capable de faire fondre un cœur de glace. Ses mains s’agrippent aux épaules de Beatriz. Même son nom porte la chaleur de l’été. Elle ne veut pas la lâcher, se tient à elle comme si sa vie en dépendait. Elle a les yeux fermés, et ne se souvient même pas d’avoir clos ses paupières. Elle ne veut que ce baiser dur à jamais. Et elle en a une impression d’éternité. Quand l’autre femme finit par la repousser, elle a le souffle court, elle vacille, mais elle ne tombe pas, retenue par les bras de Bea. Elle ouvre les paupières et elle est presque gênée. Elle ne sait pas ce qui a traversé son esprit, ce qui l’a poussée à embrasser cette parfaite inconnue, et bien sûr, il y a une sorte de tristesse qui voile l’émeraude de ses yeux, parce que même si…Ça ne change rien au fait qu’elle l’ait repoussée. Mais à quoi s’attendait-elle, idiote qu’elle est. Comme si quelqu’un voudrait un jour d’elle. Ne te fais pas d’illusion, stupide, stupide Siobhan. Personne ne voudrait d’un monstre, que ce soit pour un baiser ou pour une vie. Elle a bien sûr déjà fait vibrer des femmes sous ses caresses, mais si peu, et aucune ne l’a jamais intriguée comme Bea en quelque instant. Elle ne cherche pas à procurer du plaisir sous ses doigts, elle cherche à comprendre le comportement humain. Et il y a quelque chose dans le sexe qu’elle n’arrive pas à comprendre. Quelque chose qui lui échappe complètement.
Beatriz essaye de faire quelque chose, mais elle ne comprend pas tout de suite quoi. Et quand son esprit comprends qu’elle veut tout simplement qu’elle s’allonge au sol, son corps se crispe, parce que plus personne ne l’allongera au sol, plus personne ne la forcera à se coucher. Mais elle est tellement fatiguée, et ses jambes ne lui laisse pas le choix, quand elles commencent à trembler, et c’est les yeux fermés, les paupières si serrées qu’elle en voit des étoiles, qu’elle accepte les mains qui l’aide et que son dos entre en contact avec le sol. Bea a un sourire, qui allume des étincelles dans son ventre, des étincelles qu’elle ne comprend pas. Il y a beaucoup de chose qu’elle n’a jamais comprise. Et quand les émotions s’éloignent de la haine ou de la peur, quand l’instinct de survie ne jaillit pas au premier plan, elle est totalement prise au dépourvu. Elle n’a pas oublié le sentiment que lui procurait la douceur et le réconfort de sa mère, mais elle ne l’a plus ressenti depuis si longtemps qu’elle ne pourrait le décrire. « Vous êtes une bien étrange personne. » Siobhan penche la tête sur la côté, la regarde de ses grands yeux verts pleins d’incompréhension devant tant de douceur. Elle regrette d’avoir laissé sa dague sur le meuble, car sans son arme, elle se sent nue, exposée et vulnérable.
«Mon dernier baiser pour vous, ou mon dernier baiser en général ? »
Elle essaye de distraire l’autre femme, la distraire de sa tâche. Elle a tellement envie de fermer les yeux. Mais elle ne peut pas. Il faut qu’elle regarde, qu’elle soit sur qu’il ne lui arrivera rien. Quand Beatriz remonte son haut, après avoir ôté le pull qui était censé évité que tout son sang ne s’échappe pas de son corps (plutôt raté pour le coup) elle frissonne, et elle ne peut retenir ses paupières de se fermer un instant. Elle demande au bon dieu, à l’univers, à tous ceux qui écoute, ceux qui n’écoute jamais et ne répondent pas, de faire en sorte que Bea soit tellement concentrée qu’elle ne voit pas les marques qui ornent ses côtes et ses flancs, les cicatrices qu’ont laissé les coups de martinets sur sa peau, quand papa n’était pas content d’elle. Personne n’a jamais vu autant de sa peau depuis Damien, personne. Et c’est mieux comme ça. Et personne ne l’a jamais touchée non plus. Ses ongles se plantent dans les paumes de ses mains, si fort, que ses articulations en blanchisse. Elle sert les dents sur sa joue si fort qu’elle sent ce liquide au goût métallique se rependre dans sa bouche.
Elle est tellement fatiguée. Elle ne veut pas s’endormir, elle ne peut pas s’endormir, sinon elle sera en danger. Mais sa tête lui tape tellement fort. Et quand Beatriz appuyé sur sa plaie, sa tête part en arrière et son corps se tends. Elle retient une pique qui court pourtant sur le bout de sa langue. Il faut qu’elle reste concentrée sur sa tâche la plus importante, ne pas s’endormir, ne pas se laisser sans défense. Plus elle tente de se focaliser sur Beatriz, plus sa vision devient floue. Elle entends a peine les mots de la femme. Dragon, elle pense. Ou peut-être qu’elle le dit. Elle n’en est pas très sûre. Est-ce sa voix, trainante, pâteuse, fatiguée, qu’elle a entendue, ou est-ce seulement son imagination ? Il est évident que dans son état normal, elle n’aurait jamais dit à personne qui était responsable de son état. Et quand elle pense à Sekhmet, elle se demande si la dragonne sent qu’elles vont mourir. Et soudain, c’est comme une révélation dans l’esprit de Siobhan. Elle va mourir. Elle va mourir à moins que Beatriz ne la sauve ou plutôt, qu’elle la garde en enfer. Et soudain, tout est clair pour elle. Elle va enfin mourir. Elle va enfin disparaitre dans la poussière. La lutte est terminée, enfin. Elle va être libérée, fuir cette vie qui ne veut pas d’elle, mais dont elle n’a jamais vraiment essayé de se débarrasser. Elle veut mourir ce soir. Elle attrape le poignet de Beatriz et la regarde dans les yeux, du moins, essaye, parce que c’est de plus en plus flou autour d’elle.
« Don’t. Please. Just let…me…(sa voix est tellement pâteuse qu’elle ne la reconnait pas)..go. » Sa respiration est sifflante, elle a tellement mal, et elle est tellement fatiguée. « Let me die »
Elle ferme les paupières, tente de respirer. C’est comme quand son cœur fait des siennes, quand il s’agite dans sa poitrine, qu’elle a l’impression qu’on lui enfonce un poignard en plein cœur, quand elle commence à si mal respirer et que sa tête lui tourne. Elle va mourir de toute façon. Elle n’a plus qu’une dizaine d’année à tenir. Et que sont dix petites années après vingt ans de torture physique et mentale.
« Siobhan. »
Elle lui doit bien ça, un prénom. C’est de toute façon la seule chose qu’elle a à offrir. C’est probablement cruel pour Beatriz, de voir apparaitre Siobhan et de ne pas pouvoir la soigner, parce qu’elle a vu dans ses yeux qu’elle voulait la sauver. Un léger complexe de super-héros peut-être. Mais Siobhan ne peut pas être sauvée, et elle ne veut plus être sauvée. Chaque fois qu’elle a essayé de se relever, c’était pour se faire jeter au sol et piétiner. Elle ne veut pas recommencer. Elle veut juste, juste que les voix dans sa tête se taisent, la sienne, celle de maman, celle de Damien, celle de papa, celles des gens d’Eko, qui l’ont critiquée, encore et encore, elle veut juste oublier tout ça. Mais ça ne s’arrête jamais. Elle est prise dans un tourbillon infernal. Et le tragique destin qui semble s’être offert sa vie a mis Beatriz sur son chemin. Et c’est cruel, d’avoir impliqué d’autre personne dans sa chute plus que pathétique. Et quand elle regarde dans ces yeux magnifiques, elle a l’impression que c’est la chance qu’on lui offre, comme si on lui offrait le pardon, mais c’est trop tard, parce qu’il arrive alors que c’est déjà la fin.
Et quand elle s’en rend compte, quand son esprit torturé lui offre la chance de réaliser que peut-être. Peut-être. La douleur s’offre à elle, et irradie son corps. Cette douleur que son esprit, bien trop barricadé avait bloquée. Elle aimerait hurler, hurler et enfoncer ses mains dans son ventre pour arracher la douleur de ses tripes, enfoncer ses mains dans ses entrailles pour enlever cette douleur physique que lui a infligé Sekhmet. C’est comme quand Damien s’est enfoncé pour la première fois entre ses cuisses fermée. Elle veut tout arracher, tout enlever. Sa tête, qui reçoit enfin les informations que lui envoie désespérément son corps, est sur le point d’exploser. Il faudra qu’elle souffre, bien entendu, jusqu’à la fin. On ne lui offrira jamais de répit. Son corps est secoué de soubresaut. Elle sent les mains de Beatriz, mais elle sent aussi les millions d’écharde qui s’enfonce sous sa peau. Et elle hurle. Elle hurle en silence. Elle hurle dans sa tête. Elle hurle si fort que son crâne va exploser. Mais sa bouche s’ouvre et aucun son ne sort, ses yeux se ferment, ses mains attrapent ses cheveux, en arrachent, mèches par mèches. Elle veut juste que ça s’arrête. Elle a tellement mal. Mal partout. Mais surtout mal dans sa tête. Et mal au ventre. Pain. Everywhere.
Beatriz Desio
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Sam 3 Jan - 13:10
x To trust myself x x To trust someone else x x To trust the doubt in the back of my mind x x Trust the trail of pain left behind x
Beatriz travaille vite, concentrée, habituée. Pourtant elle continue régulièrement à voler des regards à sa difficile patiente, essayant de prévoir ses réactions, essayant de deviner quelle forme prend la tempête qui s'agite sous son crâne. Vaillant effort. Vain effort. Cette inconnue est le plus grand point d'interrogation qu'elle a jamais eu sous les yeux. Une écharpe de brume. Des gouttes de pluie qui lui filent entre les doigts. Une flamme fuyante. Qui s'éteint. Qu'elle va raviver. Elle tourne un peu la tête pour laisser ses cheveux dissimuler un sourire, un drôle de sourire gêné et timide qui ne devrait pas être là, surtout pas dans ces circonstances (mais il n'y a rien de normal dans la scène qu'elle est en train de vivre, alors pourquoi s'arrêter au convenable), quand la femme mentionne le baiser qu'elles viennent juste d'échanger.
« Vous aurez tout le loisir de me questionner là-dessus quand vous n'aurez plus les tripes à l'air, d'accord ? Pour le moment, contentez-vous de vous accrocher. »
Tout le corps de la jeune femme se tend comme un arc quand Bea presse sa plaie, mais elle tient bon, la douleur est inévitable, le prix à payer pour vivre, et elle tient, et elle parle, elle ne sait même plus ce qu'elle dit, c'est juste un refrain, une chanson douce pour les morts, pour les enfants endormis, pour les vivants en souffrance, un mélange entre la langue commune et sa langue maternelle dont les sonorités chaudes et chantantes font souvent merveilles, en particulier sur les plus jeunes. Bea n'est tirée de sa litanie que lorsque la main de la jeune femme vient s'enrouler autour de son poignet pour tenter d'arrêter son effort. Les sourcils froncés, Bea se penche pour recueillir ses paroles, qui s'échappent de ses lèvres comme des gémissements fantômes. Elle a du mal à la comprendre. Des mots se détachent cependant, des mots qu'elle a déjà entendus ici, et dont l'intonation ne laisse aucun doute sur les intentions de l'énonciateur. Une envie qui se lit de la même façon dans tous les yeux, peu importe la langue.
Laisse-moi mourir.
Bea secoue fermement la tête, ne lâche rien – la pression sur son poignet n'est pas même assez forte pour la gêner. Et quand la jeune femme parle de nouveau et prononce un mot étrange qui ne peut être qu'un nom, elle sourit, un sourire de victoire, un sourire de bienvenue.
« Je ne vous laisserai pas mourir, Siobhan. »
Il y a peu de sang sur la blouse qu'elle presse contre la plaie. Elle examine le visage aux paupières fermées de la jeune femme, et il n'est pas complètement exsangue, avec un peu de chance cela veut dire de préférence que l'hémorragie s'est arrêtée plutôt qu'elle n'a plus assez de sang à perdre. Heureusement, la blessure était plus impressionnante qu'immédiatement mortelle, ne laissait pas le sang s'échapper trop vite. Bea repense au mot que la jeune femme a murmuré, elle ne sait si c'était dans son délire ou la vérité, mais vu la taille et l'aspect agressif de la blessure, elle pencherait pour la vérité. Dragon. Sans relâcher d'une once la pression sur le ventre de la femme, Bea se penche à nouveau, au plus près qu'elle ne l'ose, pour être certaine que Siobhan l'entende bien, être certaine qu'elle reçoit chacune de ses paroles.
« Personne ne veut vraiment mourir. Personne. C'est juste que tout le monde n'a pas la chance d'avoir quelqu'un pour lui attraper la main avant qu'il ou elle ne saute du pont. Mais au fond de lui, même le plus désespéré des hommes veut encore se laisser une chance de vivre, encore trouver une raison. »
Bea inspire profondément, sent la conscience de Siobhan basculer entre l'éveil et la torpeur, et tandis qu'elle continue de presser avec force de sa main gauche, elle vient poser sa main droite sur la joue trempée de sueur et maculée de sang de Siobhan. Le secoue gentiment pour qu'elle ouvre les yeux. Caresse sa tempe de son pouce.
« Je vous tiens la main, Siobhan. Et vous n'allez pas sauter du pont. »
Elle se redresse, ferme un instant les yeux, puis, décidée, ôte doucement la blouse de la blessure. Elle avait raison. Le sang ne coule plus. Elle va pouvoir la soigner, maintenant. Elle examine de nouveau la blessure, et secoue la tête.
« Et puis vous n'avez pas fait tout ce chemin pour venir mourir ici, pas vrai ? »
Puis soudain, Siobhan se met à trembler. À se tordre. À hurler sans mots, à hurler sans cris. À s'arracher les cheveux, de nouveau. Bea tente tout d'abord de glisser ses mains dans les siennes, d'empêcher ses doigts d'accomplir leur œuvre destructrice, mais c'est un travail de Sisyphe, éternel recommencement inutile, et elles n'iront nulle part ainsi. Bea s'empresse de fouiller dans le sachet qu'elle porte toujours autour du cou, en ressort l'une des petites racines brunes et sèches qu'il contient, et le pose devant la bouche de Siobhan.
« Mâchez ça. C'est de la valériane, ça va calmer les convulsions et la douleur. »
Et avec un peu de chance, vous endormir aussi. Mais Siobhan refuse d'ouvrir la bouche, ou ses dents serrées par la douleur l'en empêchent, et Bea soupire, lui attrape les mâchoires, ouvre sa bouche, glisse la petite racine de valériane, et lui referme la bouche, attendant qu'elle se mette à mâcher, grimaçant de douleur sous les nombreuses morsures que cette simple action lui a fait récolter. Le soulagement est indicible quand elle sent enfin les mâchoires se mettre en action, par pur réflexe, et bientôt elle n'a plus à lui tenir la bouche, et les convulsions finissent par cesser.
Bea réfléchi rapidement. Oui, elle peut recoudre Siobhan ici et la forcer à demeurer au centre quelques jours, le temps qu'elle soit suffisamment cicatrisée pour se redresser sans rouvrir ses fils. Au vu du comportement de la jeune femme, c'est de la pure folie d'espérer que cela se fasse sans heurts. Elle risque d'exposer collègues et autres patients à son comportement violent. Il y a tellement d'objets pointus ici... et elle ne se sent pas le cœur de la restreindre à un lit. Ne se sent pas le droit. Elle a vu à plusieurs reprises la panique dans ses yeux, une panique qui lui a retourné l'estomac. Ajoutons à cela qu'ils ne débordent pas de places libres ici...
« Siobhan. Je vais vous soigner chez moi. J'habite juste à côté, et vous pourrez rester vous reposer sans être dérangée par quiconque. Hochez simplement la tête si vous êtes d'accord. »
Siobhan O'Meara
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Sam 3 Jan - 19:11
« Now i just can't pretend to forget, these voices in my head and they just won't stop screaming. »
Même à travers le brouillard de la douleur, les mots que prononce Beatriz sont clairs dans sa tête. Mais elle se trompe. Elle veut mourir. Et elle va mourir. Ce n’est qu’une question d’année. Et elle ne cherche plus de raison. Elles se sont égrainées au fur et à mesure que coule les grains qu’il lui reste dans l’immense sablier qu’est sa vie. Il n’y a rien qui l’attache ici, rien qui ne lui donne envie de continuer, même la magnifique jument pie avec qui elle a une relation extraordinaire, même Aestria s’en sortira très bien sans elle. Personne ne lui tient la main, personne ne l’accompagne sur son chemin. Ils sont tous partis un à un. Et d’ailleurs, ils n’ont pas mis longtemps. Il n’y avait pas grand monde à ses côtés pour commencer. Et Maman est partie elle aussi. Maman aussi lui a lâché la main. Mais ça n’a plus vraiment d’importance, maintenant, car elle voit la fin. Et elle sera seule. Comme elle l’a toujours été.
« Menteuse. »
Personne ne la retient quand elle tombe. Personne ne l’aide à se relever. Personne ne l’aide à marcher. Elle avance contre la vie comme on avant contre le vent, la tête baissée, les mains devant les yeux. Elle fait ce qu’elle peut, mais ce n’est jamais suffisant, pour personne. Et surtout pas pour elle. Et Bea lui ment, avec tant de conviction. Mais elle ment quand même. Elles ne se connaissent pas, et si c’était le cas, elle fuirait, parce qu’il n’y a que ça à faire quand on voit quel montre est Siobhan. Y’a-t-il encore une part d’humanité en elle, ou est-elle devenu un animal ?
Ses pensées se transforment en brume étrange avec la douleur. Si seulement ça s’arrêtait. Mais elle brule en enfer, expie ses péchés. Elle secoue la tête quand Beatriz lui parle. Elle refuse qu’on lui mette quoi que ce soit dans la bouche. Mais elle n’est pas assez forte, et peu importe à quel point elle ne veut pas, Beatriz lui ouvre la bouche de force, et si Siobhan n’avait pas si mal, tellement mal, elle ferait quelque chose. Mais elle ne peut que secouer la tête, et mordre, mordre la main qui tente de la forcer à mâcher. Elle ferme les dents sur la peau tendre, encore et encore, pour la faire lâcher sa prise. Elle n’arrive même plus à se débattre, la douleur la déchire de part en part. Mais même au bord de la mort, elle refuse de se soumettre. Elle est sauvage, et libre. On ne peut pas la forcer. Elle tente de cracher, mais les mains qui la tiennent sont trop puissantes, ou alors elle est trop faible. Et son traître de corps finit par abdiquer. Elle se met à mâcher la racine, plus par automatisme qu’autre chose. Elle n’arrive plus vraiment à réfléchir tant elle a mal. Si seulement tout pouvait s’arrêter maintenant. Le goût qui se repend dans sa bouche est absolument immonde, et elle se demande si Beatriz n’a pas tenté de l’empoisonner. Mais elle finit par se calmer. Ses bras retombent contre ses flancs, et la douleur s’atténue. Elle lâche un profond soupir. Et ses paupières tremblent et tente à nouveau de se fermer. Mais elle lutte et fixe le plafond, encore et encore, de ses grands yeux émeraude remplis de vide. Ses muscles se détendent un à un, et elle a peur, parce qu’elle a l’impression de perdre le contrôle de son corps. Elle crache la racine dès qu’elle en a l’occasion, mais elle sait que c’est déjà trop tard. Elle déteste la sensation qui est en train de prendre possession de son corps. Quand elle n’a pas cette tension qu’elle a accumulé au fil des années, elle sait qu’elle n’est autant sur le qui-vive qu’elle devrait. Elle est vulnérable à n’importe quelle attaque, mais la seule chose qui continue à lui venir à l’esprit c’est que c’est enfin la fin, elle va enfin pouvoir partir et être en paix. Au fond d’elle, elle est persuadée que Bea ne pourra pas la sauver. Après tout, même si physiquement, elle réussit à la soigner, il n’y a rien a sauvé chez Siobhan, plus rien de viable dans ce corps de glace et ce cœur d’acier.
« Il y a … il…une jument pie…dehors. » Elle claque des dents. Elle a vraiment froid. Et son esprit est de plus en plus embrumé. « Aestria. » Elle prononce le nom avec temps de révérence, malgré la fatigue, qu’il est impossible de ne pas comprendre l’affection qu’elle porte à la jument. « Prenez en soin. S’il vous plaît. »
C’est étrange. Il y aurait tellement de chose dont il faudrait s’occuper. Et elle pense aussi au corps de Sekhmet, qui finira quelque part et qui sera retrouvé. Probablement mis en charpie par des animaux sauvages. La puissante Sekhmet qui détruit tout sur son passage. Ce serait si beau pour Siobhan de pouvoir admirer sa carcasse. Mais elle sait qu’elle n’en aura jamais la chance. Et il y a ses affaires, tout le savoir qui est entassé dans sa tête, sa mère à qui il faudrait apprendre la nouvelle. Caitlyn sera tellement heureuse d’apprendre que le monstre qu’elle a engendré est enfin mort. Elle est sûre qu’ils feront une fête à Eko.
Ses paupières battent et se ferme un instant. Elle a envie de dormir, maintenant que la douleur a diminué. Mais elle ne peut pas. Il ne faut pas. Surtout pas. Il faut qu’elle reste réveillée. Si Beatriz a réussi à la forcer à manger quelque chose alors qu’elle est consciente, elle pourra lui faire n’importe quoi une fois qu’elle sera endormie. Elle ne peut pas se laisser dans cet état. Mais elle est épuisée, son corps est épuisé et sa tête est envahie de brume. Sa main se lève pour pouvoir caresser la joue de l’autre femme. Elle est tellement belle, même à travers les nuages qui recouvrent les yeux de Siobhan. La façon dont elle la regarde. Comme si elle était…normale. C’est tellement étrange. Comme si elle était quelqu’un. Sa main retombe contre son flanc et elle bouge la tête de gauche à droite. Non. Hors de question. Jamais. Laissez-moi partir, hurle sa tête. Mais elle n’arrive pas a prononcer les mots. Jamais elle ne se fera enfermer quelque part.
« Vous m’avez…droguée ? »
La peur a envahi son regard. Elle n’arrive plus à lutter contre la fatigue et ce n’est pas normal. Il y a dans ses yeux l’éclat de l’animal sauvage que l’on a enfermé derrière les barreaux d’une cage. Elle veut partir. Dans sa tête, elle se débat. Mais son corps est de marbre et ses paupières de plomb. Les plus belles femmes sont les plus dangereuses. Elle le sait. Elle le sait et elle est tombée dans le piège la tête la première. Ils vont l’enfermer, la châtier. Et derrière son regard brumeux, elle voit, elle sent Damien, qui la tient au piège dans les barreaux de ses bras, qui l’emprisonne de sa force brute, et elle qui n’a pas la force de se battre. Elle qui meurt à petit feu. Sekhmet aurait dû l’achever. Sekhmet aurait dû en finir. Beatriz va l’enfermer dans une cage. Beatriz a vu qu’elle était folle. Beatriz n’a jamais voulu la sauver. Beatriz va la bruler vive. Et elle ne pourra rien faire. Rien du tout. Pauvre, pauvre petite Siobhan. Trop faible, si vulnérable. Bien trop…. Ses paupières se ferment et elle s’endort, sa respiration se calme, tandis que la panique qui brillait dans ses yeux disparait et qu’elle se laisse absorber par la calme qui règne en maître dans son esprit bien trop brisé.
Dernière édition par Siobhan O'Meara le Mer 25 Fév - 21:29, édité 1 fois
Beatriz Desio
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Dim 4 Jan - 1:06
x It takes great deal of courage to see the world in all its tainted glory, and still to love it. x
Menteuse
Menteuse, elle ?
Je vous en prie, docteur Desio, dites-moi la vérité... mon fils va t-il mourir ? Est-ce qu'il y a encore un espoir pour mon mari ? Dites, madame, est-ce que quand on meurt on va au paradis ? Bea, tu crois que maman a souffert quand elle est morte?
Beatriz dit la vérité. Toujours. Peu importe combien blessante, effrayante, inécoutable, peu importe le visage qu'elle tourne vers ceux qui cherchent à la connaître. Peu importe si parfois sa franchise est monstrueuse. Elle a trop de respect pour la vie, et pour les autres, pour jamais leur mentir. Et même s'il elle a fait depuis longtemps la différence entre les mensonges et l'espoir – À ce soir, bella! – elle préfère nourrir les gens avec des faits bruts plutôt que des chimères au goût agréable qui vous laissent vides et tétanisés ensuite.
Il n'existe qu'une question à laquelle elle ment, souvent.
Bea ? Tu vas bien?
Et encore, c'est un sourire, plutôt qu'un mensonge, qui répond. Peu importe sa vérité à elle. Elle privilégie toujours celle des autres. Et elle n'a jamais considéré la rétention de certaines informations comme un mensonge. C'est un refus de parole. C'est différent.
« J'ai de nombreux défauts souvent désagréables, mais le mensonge n'en fait pas partie. »
Juste avant que Siobhan ne bascule dans les convulsions, avant que son esprit ne se déchire et se froisse, elle se penche pour lui murmurer:
« Et vous devriez cesser d'écouter votre peur. Parce que c'est elle qui vous ment. »
Assez de philosophie. Elle se recentre sur son talent véritable. La guérison. Cette femme sera toujours plus facile à soigner qu'à raisonner.
Une fois calmée par la racine de valériane, la jeune femme recommence à parler, si faiblement que Bea doit presque coller son oreille contre sa bouche pour l'entendre, et ce qu'elle entend lui fait pincer les lèvres, et elle tourne la tête pour la regarder dans les yeux avec son air le plus insistant.
« J'ai déjà sur les bras trois frères, trois chevaux, et un chat, sans parler de mes innombrables patients. Vous allez en prendre soin vous-même de votre jument. Parce que vous allez vous en sortir, Siobhan. Alors maintenant arrêtez de raconter n'importe quoi et essayez de vous mettre ça dans le crâne, où je me fâche. »
Peut-être la fin de sa phrase perd un peu de poids car on voit rarement quelqu'un se fâcher avec un sourire encourageant, mais le ton est cependant dur et sans appel. Les patients, il faut les houspiller un peu parfois pour qu'ils réagissent. C'est si facile de se laisser glisser quand on souffre. Elle se force à ne pas avoir un mouvement de recul quand la femme lève la main, mais c'est pour la poser gentiment sur sa joue cette fois, et non la griffer. Bea ne la lâche pas des yeux, attendant juste un petit signe, juste ce petit mouvement de tête qui va terminer ce cauchemar et l'autoriser à agir... mais c'est une question qui vient plutôt, une question à laquelle elle répond avec une patience que contredit son vocabulaire:
« Non, ce n'est pas de la drogue, pas à une telle dose, c'est une plante commune qui vous a simplement empêchée de vous fracasser le crâne contre le carrelage, et qui vous a suffisamment apaisée pour que la douleur ne vous arrête pas le cœur par-dessus le marché. Qui est guérisseuse ici, vous ou moi ? Vous allez finir par me faire confiance, oui ? Siobhan ? Siobhan ! »
Elle s'est évanouie. Beatriz s'empare de son poignet, mais le pouls est bon. Faible, bien sûr, elle n'est pas au meilleur de sa forme et c'est un euphémisme, mais il est là, il est stable. Et il est temps d'arrêter de tergiverser. Bea bondit sur ses pieds, sort de la pièce en courant, galope en zigzagant entre patients, guérisseurs et derniers visiteurs mêlés pour rejoindre la salle où ont lieu les consultations d'Eddard. Elle prend à peine le temps de frapper – il est avec un collègue, tant mieux, au pire elle est en train d'interrompre un brainstorming – et va se saisir de son poignet pour l'entraîner à sa suite, sans d'autres précisions qu'un « urgence » et « vite ».
Malgré toute son expérience, son collègue ne peut s'empêcher un sifflement admiratif et stupéfait en observant l'état de la salle et de la jeune femme sur le sol.
« Je sais que tu as parfois un sale caractère, Beatriz, mais tu étais obligée d'en arriver là ? Qu'est-ce qu'elle ta fait cette pauvre femme ? » « Réserve tes plaisanteries pour le service pédiatrie, Eddard, j'ai passé l'âge pour apprécier ce genre d'humour, et ce n'est vraiment pas le moment. Il faut que tu m'aides à emmener cette femme jusque chez moi, maintenant. » « Chez toi ? Pourquoi tu ne la soignes pas ici ? Elle est... » « On n'a pas assez de lits disponibles et crois-moi, ce n'est pas une patiente qui appréciera un séjour forcé au centre, ni de se réveiller sur une table d'opération. Il faut qu'elle soit dans un endroit sûr, et seule. » « C'est elle qui a saccagé la pièce ? Bea... tu... tu ne penses sérieusement pas à l'emmener chez toi ? Si elle redevient violente, si elle essaie de... » « C'est seulement la douleur qui lui a fait perdre la tête, elle ne m'attaquera pas. Je peux m'en occuper et tu le sais, je suis même uniquement qualifiée pour le faire seule, j'ai juste besoin de bras pour la transporter parce que au cas où tu ne l'auras pas remarqué on ne peut pas vraiment m'appeler Musclor. Tu vas m'aider oui ou non ? Elle est en train de mourir. »
Eddard lève les bras, déclarant forfait, mais l'inquiétude ne quitte pas ses yeux gris, alors même qu'il se penche pour prendre la jeune femme dans ses bras, avec autant de précautions que s'il transportait un nouveau-né.
« Je te fais confiance, mais c'est tout de même une idée complètement stupide qui peut très mal tourner. Tu vas passer un sale quart d'heure avec ton frère s'il t'arrive quoi que ce soit... » « Laisse-moi m'inquiéter de Rufio, d'accord ? Et si tu as tellement peur pour moi tu n'auras qu'à venir vérifier tant que tu voudras que je suis toujours en vie, en attendant sors-moi cette fille d'ici. Je prends le nécessaire et je vous rejoins dehors. »
Il ne se le fait pas dire deux fois. Le temps presse, la jeune femme dans ses bras est de plus en plus pâle, et il aura beau se soucier de Bea et tenter de la dissuader, elle n'en fera jamais qu'à sa tête. Personne ne peut jamais contrer ses idées fixes, contrarier ses décisions, adoucir ses jugements. La tiédir. C'est toujours une braise à prendre avec des pincettes.
Tandis que Eddard s'en va avec sa protégée – c'est comme ça qu'elle la considère, maintenant ? Sa protégée ? – Bea s'empresse de s'emparer de tout le matériel dont elle aura besoin dans la réserve, ainsi que du poignard de Siobhan, après réflexion, puis file à l'entrée, rejoignant son collègue portant son précieux fardeau avant même qu'il ne pousse la porte. Heureusement qu'elle jouxte le centre, Rufio n'aurait pu lui trouver un studio plus proche. De l'extérieur, il a l'air pitoyable, une sorte de cave, de hutte de pierre, mais l'intérieur est douillet, chaleureux, un cocon d'intimité et de douceur. Il y a pourtant peu d'effets personnels, la décoration est réduite au strict minimum et à la sobriété, on sent que c'est moins un lieu où l'on vit qu'un lieu où l'on vient dormir. Mais cependant, il y a une atmosphère, un certain arôme, une identité, la sienne, qui s'en dégagent.
Bea allume précipitamment quelques bougies, puis étend une épaisse couverture sur le tapis. Eddard y dépose délicatement Siobhan. Il hésite à partir, et se tourne vers Bea tandis qu'elle alimente à nouveau le feu qu'elle a laissé couver dans sa cheminée.
« Je devrai tout de même rester pour t'assister, au cas où... » « Je m'en sortirai très bien, Eddard. Tu as encore des patients à voir, et moi j'ai cette femme à recoudre, va faire ton boulot et laisse-moi faire le mien. »
Elle maintient son regard, sincérité et gratitude étincelant dans ses iris noirs.
« Merci pour ton aide. Maintenant va. Et, s'il te plaît, veille à ce que la jument pie qui doit probablement errer autour de l'hôpital ait un abri et de la nourriture pour la nuit, d'accord ? »
Il hoche la tête, puis la secoue lentement avec un soupir.
« J'espère que tu sais ce que tu fais, Bea. »
Elle attend que la porte ce soit refermée derrière lui avant de murmurer pour elle-même: « Moi aussi. »
Elle ne laisse pas aux doutes et aux insécurités le temps de s'installer. Elle remonte ses lunettes sur son nez, retrousse ses manches, dispose rapidement tous les ustensiles et produits dont elle a besoin à portée de main. Elle commence par nettoyer la plaie de Siobhan, puis la mécanique s'enchaîne rapidement, elle imbibe d'un liquide aux propriétés somnifères un bout de tissu qu'elle s'apprête à déposer sur le visage de la jeune femme pour pouvoir opérer en toute tranquillité, quand sa voix, faible, effrayée, retentit dans son esprit.
Vous m'avez... droguée ?
Elle hésite, lutte un instant, roule des yeux, et finit par céder, jetant derrière elle le linge frais.
« Mierda. Beatriz, tu es complètement cinglée ma fille. »
Elle se saisit rapidement d'un onguent aux propriétés anesthésiantes très performantes et l'étale sur les contours de la plaie de Siobhan. Au moins, si elle se réveille pendant la procédure, elle ne sentira pas les aiguilles. Elle pourra tenter de l'étrangler, mais elle sera maîtresse de son sort, témoin de son soin, et non pas patiente endormie et docile, ce qui semble être une ultime phobie pour elle à en croire son comportement. Bea n'attend pas pour se mettre au travail. Elle sait que le drôle d'oiseau blessé qu'elle a ramené chez elle peut se réveiller d'un instant à l'autre. L'aiguille s'active vite, avec précision, efficacité. C'est une plaie facile à recoudre, un délice pour l'entraînement des novices. Les points de suture se font aisément, les uns après les autres, avec une rapidité, une solidité satisfaisantes. Elle en vient aux derniers quand la jeune femme blonde commence à remuer.
« Quoi que vous décidiez de faire maintenant, souvenez-vous que j'ai une aiguille dans la main occupée à percer votre ventre, et que si vous me déconcentrez ça pourrait vraiment mal finir. »
Siobhan O'Meara
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Dim 4 Jan - 4:06
Il y a des sommeils sans rêve. Ou alors elle ne dormait tout simplement pas. C’est juste que son corps a abandonné le combat. Mais quand elle remue enfin, elle n’arrive pas à ouvrir les yeux. Elle se demande si tout ce qui s’est passé au centre de soin était un rêve. Elle ne fait pas des rêves aussi étranges, généralement. Habituellement, ce ne sont que des souvenirs qui polluent ses nuits et la font hurler de peur quand elle se réveille. Quand Sekhmet est là, elle la nargue et lui fait du mal, de ses mots de feu. La dragonne est comme un vautour, elle vient picorer des morceaux de ce qui est déjà si mort. Au début, Siobhan pensait qu’elle tentait juste de dédramatiser la situation, mais elle a vite réalisé que Sekhmet aimait la voir au plus mal et profiter de sa faiblesse. Qu’est ce qui lui était arrivée, à cette dragonne, pour qu’elle devienne ainsi ? Siobhan était persuadée qu’on ne naissait pas méchant. Il n’y avait pas d’être foncièrement mauvais. Elle-même n’était pas née ainsi, elle était devenue un monstre, on l’avait poussée sur cette voie. Ils l’avaient tous emmené vers l’obscurité. Et elle avait fini par être séduite. Mais cette fois ci, ce n’est pas la voix froide de Sekhmet qui l’accueille. C’est une voix chaude. Et Siobhan sait qu’elle n’a pas rêvé. Tout ce qui s’est passé au centre de soin était bien réel, et elle n’ose pas ouvrir les yeux, parce qu’elle a peur de ce qu’elle verra. Elle a peur de ne plus être dans le centre, mais ailleurs. Et blessée, sans arme, elle n’a aucun pouvoir, elle est juste une femme, ni plus ni moins.
« Jamais. » Elle grogne, d’une voix fatiguée. « Je ne vous ferais jamais confiance. »
Elle ne bouge pourtant pas, parce Beatriz a raison, même sous forme d’une aiguille, c’est elle qui a une arme dans les mains. Elle pourrait probablement lui rouvrir le ventre. Et ce que Beatriz ne sait pas, c’est qu’elle a probablement raison, son cœur aurait pu finir par s’arrêter de battre à cause de la couleur. Cet organe dont elle ne se sert jamais et qui pourtant, est son compte à rebours personnel. Elle compte les années avant qu’il s’arrête. Les cicatrices qu’elle a sur la poitrine sont la preuve qu’elle et cet organe ne sont pas fait pour exister ensemble. Qui tente de s’arracher le cœur à coup d’ongle et de couteau ? Probablement personne qui ne soit sain d’esprit. Mais Siobhan n’est pas saine d’esprit. Elle est folle.
Elle ouvre enfin les yeux, mais les referme aussitôt. La pourtant faible lumière des bougies est trop puissante pour elle, et lui fait mal au crâne. Est-ce qu’à un moment donné, elle l’aurait tapé suffisamment fort pour qu’il se brise en deux, parce que c’est la seule explication qu’elle voit à la douleur qui irradie l’intérieur de sa tête en ce moment. Elle a envie de vomir. Il y a un goût persistant dans la bouche. Elle se force à ouvrir les yeux, les pose un instant sur le visage concentré de Beatriz. Elle redresse la tête, mais la laisse retomber lourdement en grognant.
« J’aurais pu le faire. Me recoudre. »
Après tout, elle n’en était pas vraiment à sa première blessure, et elle a toujours pu prendre soin d’elle-même. Enfin, à peu près. C’est étrange d’ailleurs, elle sent de légers picotements, mais rien de plus. Bien sûr, la blessure en elle-même lui fait serrer les dents de douleurs, mais elle ne sent pas l’aiguille se planter dans sa peau. Et il y a une part d’elle qui en est déçue, parce qu’elle aurait préféré souffrir. Elle n’est pas encore très lucide, et il y a quelqu’un qui joue du tambour dans sa tête. Ça ne l’aide pas à réfléchir. Elle aimerait se redresser, arracher l’aiguille des mains de Beatriz et fini elle-même le travail, avant de s’enfuir, mais chaque fois qu’elle essaye de poser son coude sur le sol pour supporter son poids, elle retombe.
« Qu’est ce que vous m’avez fait ? »
Il y a une tristesse dans sa voix qu’elle n’arrive pas à annihiler. Elle est tellement faible, et elle n’en a pas l’habitude. Elle a laissé la faiblesse à Eko. Elle pensait y laisser la souffrance aussi, mais celle-ci l’a suivie et ne l’a jamais abandonnée. Et Siobhan sait qu’elle ne la laissera jamais seule. C’est comme une vieille ennemie, dont on tente de se débarrasser, mais qui revient toujours à la charge. Siobhan essaye de distraire son esprit, parce qu’elle sent la main de Bea vers ses flancs, et même si le contact est tout ce qu’il y a de plus innocent et probablement de plus professionnel pour la jeune femme, pour elle s’est totalement différent. Elle se sent très mal à l’aise, parce que personne ne l’a jamais touchée depuis Damien. Elle ne laisserait personne approcher son corps d’aussi près. Elle tend le bras, prends la main de Beatriz et la pose sur les genoux de la jeune femme, avant de ramener son bras vers son visage et de jouer longuement avec ses cheveux. Et soudain, ses doigts agrippent une petite mèche et l’arrache. Elle ferme les yeux et se met a calculé lentement, se laissant glisser dans l’instabilité de son cerveau pour pouvoir oublier Beatriz. Les bruits que la jeune femme fait en posant l’aiguille sur le côté lui font finalement rouvrir les yeux. Elle se redresse sur les coudes, grince des dents quand son ventre la lance, et pose son regard dans celui de Beatriz.
« Laissez-moi m’en aller. »
Elle hésite à dire s’il vous plait, mais il y a tellement de supplication dans sa voix qu’elle ne juge pas nécessaire de le rajouter. Et puis, elle ne prononce pas ce genre de mot. Elle veut juste partir, même si son corps est trop lourd et que sa tête lui tape. Elle ne veut pas rester ici. Elle se sent enfermée, et pas en sécurité. Elle veut juste s’en aller et reprendre sa vie. Ou alors aller dans son atelier et dormir là-bas. Mais elle ne veut pas rester avec cette femme. Quoi qu’elle en dise, elle l’avait droguée. Et Siobhan ne pouvait pas rester ici une seconde de plus, peu importe dans quel était les arguments que Beatriz pouvait ressortir, mais ça ne marche comme ça. Et si affronter son corps qui refusait obstinément de bien vouloir boucher, elle en ferait l’effort. Sa tête retombe vers l’arrière et elle pose la paume de ses mains contre ses yeux pour essayer de calmer la migraine.
Spoiler:
Desolée ma belle c'est vraiment pas lisable -_-
Beatriz Desio
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Dim 11 Jan - 0:35
Your faith was strong but you needed proof You saw her bathing on the roof Her beauty in the moonlight overthrew you She tied you to a kitchen chair She broke your throne, and she cut your hair And from your lips she drew the Hallelujah
Bea se tend, tout son corps en alerte, et si ses mains ne cessent pas leur délicat travail d'orfèvre de la chair, si ses yeux ne quittent pas la plaie qui s'amenuise sous ses doigts, elle est entièrement concentrée sur Siobhan, sur sa réaction, sur le coup qui va peut-être venir et ne la prendra pas au dépourvu. Mais rien ne vient. Ce ne sont que des mots. Elle sourit pour elle-même, ravie de constater qu'il y a un brin de bon sens, même menu, sous cette étrange caboche dont le fonctionnement continue de lui être complètement opaque. Même si certains indices lui ont probablement permis de deviner davantage que la plupart des gens sur cette complexe jeune femme qu'est Siobhan. Bea peut être distante, sévère, implacable, mais elle comprend les gens. Elle les côtoie dans la naissance, la souffrance, la joie, la maladie, la mort. Elle les connaît bien. C'est pourquoi elle répond d'une voix douce et posée sans la moindre trace de dépit:
« Pour être honnête ça m'est bien égal que vous me fassiez confiance ou non. Tant que vous me laissez faire mon travail. »
Elle émet un petit bruit de langue désapprobateur quand elle sent les muscles abdominaux de Siobhan se contracter au moment où la jeune femme tente de relever la tête, puis secoue la sienne avec un petit rire de gorge quand elle lui déclare, butée, qu'elle aurait pu se soigner elle-même.
« Curieusement, je n'en doute pas. Mais comme jusqu'ici vous m'avez semblé plus prompte à taillader qu'à recoudre, je préfère miser sur mon talent plutôt que le votre. Peut-être que je ne vous fais pas confiance, moi non plus. »
Peut-être ? Quel bel euphémisme. Elle s'autorise un bref regard sur ses mains, moins agiles qu'à l'accoutumée, elle ressent déjà les crampes dues aux morsures qui se détachent nettement sur sa peau mi sable mi olive. Par automatisme, elle passe sa langue sur l'intérieur de sa joue, là où de l'autre côté, bien visible, Siobhan a laissé le baiser de ses griffes. Non, elle ne lui fait pas confiance. Et pourtant, elle est dans sa maison, pas même attachée ni endormie, elle est là, désarmée, mais a déjà prouvé qu'elle n'avait pas besoin d'armes pour faire souffrir, elle est là et elle pourrait lui sauter à la gorge tandis que les mains de Bea sont trop occupées pour l'aider à se défendre, quand sa tête penchée sur son travail la rend vulnérable à un assaut imprévisible. Elle ne lui fait pas confiance, et pourtant elle lui donne la flèche et se fais une croix sur son cœur pour l'aider à viser.
C'est elle qui est folle.
Elle continue d'émettre de légers bruits de protestation chaque fois que Siobhan tente de bouger, ronchonne qu'à cause d'elle ses points de suture vont ressembler à ceux d'un étudiant myope et manchot, et elle achève juste le dernier point lorsque les mots lents et tristes de la jeune femme lui font tourner la tête. Elle fronce les sourcils, ouvre la bouche pour répondre, hésite un instant, puis secoue la tête, coupant le fil et désinfectant de nouveau la plaie légèrement avec une compresse de gaz imbibée de bétadine. Elle revint vers la jeune femme pour la regarder droit dans la yeux quand la plaie fut enfin nette.
« Ce que je vous ai fait ? Je vous ai sauvé la vie. Pour les détails, ceci est une suture de rapprochement, pour éviter qu'il n'y ai trop de tension au niveau de la plaie. Je me suis dit puisque vous ne pouviez pas tenir en place, il valait mieux s'assurer que vous n'alliez pas faire sauter vos fils tout de suite. Ils sont résorbables, au passage, c'est-à-dire uniquement organiques et vont disparaître naturellement au bout de quelques jours. »
Elle parcoure son énorme sac de guérisseuse avant d'en extraire un flacon d'une couleur légèrement solaire et un petit verre doseur. Elle verse le contenu du flacon en mesurant précisément la dose, et le pose à ses côtés. Elle retire enfin ses lunettes, se frotte les yeux et l'arrête du nez, puis regarde Siobhan de nouveau.
« Si, en revanche, vous voulez savoir comment vous vous êtes retrouvée ici, rassurez-vous, je ne vous ai ni assommée, ni droguée, et si vous aviez eu le bon sens de me laisser vous aider avant que la douleur ne soit trop intense et que vous ne perdiez trop de sang pour pouvoir rester consciente, vous n'auriez même pas à me poser cette question. Vous avez été très imprudente, mademoiselle. Madame. »
Elle lui sourit, toujours prompte à comprendre les réactions négatives des patients, mais même si elle se montre rassurante et chaleureuse, elle n'est pas du genre à amadouer, à dorloter. Ses mains sont douces, mais fermes et précises. Ses mots sont francs (durs), mais sensés et ouverts. Ses méthodes ne sont pas toujours orthodoxes. Mais personne ne conteste son efficacité, son talent ou son dévouement. Elle lève le flacon qu'elle vient de reprendre dans sa main pour le lui montrer:
« Je doute que je sois capable de vous faire avaler quelque chose de plus fort, mais ceci est à la fois un anti-douleur et un anti-inflammatoire. De la simple huile d'olive pure. Pas de drogue, pas de calmants, rien qu'un bon vieux remède gentiment accordé par Mère Nature. Vous voulez bien me faire le plaisir de le boire ? »
Elle laisse le flacon près de la main de Siobhan, se doutant que la femme préférera le prendre d'elle-même plutôt que quelqu'un l'aide à verser le liquide dans sa bouche, et revient à sa blessure. Les sourcils à nouveau froncés, elle remarque ce que sa concentration lui a fait mémoriser tout à l'heure sans prendre conscience de ce qu'elle voyait. Presque inconsciemment, elle laisse ses doigts glisser sur le ventre de Siobhan ses flancs, la bouche légèrement entrouverte tandis qu'elle compte, examine, comprend. Alors qu'elle trace le contour d'une cicatrice particulièrement agressive, elle murmure à mi-voix:
« Celles-ci sont plus anciennes. »
La question est informulée, mais elle n'a de toute façon pas le loisir de la poser. La jeune femme lui prend la main et la ramène sur ses genoux, et Bea suit son mouvement du regard quand elle va jouer avec ses cheveux blonds, et intervient sans réfléchir quand Siobhan s'arrache de nouveau une mèche. Elle glisse ses doigts dans ceux de sa patiente, lui tient la main.
« Arrêtez ça, voulez-vous ? Ce serait dommage de gâcher de si jolis cheveux. Et je n'ai pas de belle perruque à vous proposer en échange, rien qu'une peau d'ours. Et une peau d'ours, vraiment, ça ne se compare pas à de belles boucles d'or, vous ne croyez pas ? »
Elle lui sourit, sent sa gorge se serrer par quelque chose d'indéfinissable, et détourne le regard avant que les yeux trop intenses et trop tumultueux de cette belle étrangère ne fasse chavirer son petit monde soigneusement construit, s'effondrer ses défenses souriantes et discrètes que l'on ne remarque pas avant de s'empaler sur les épines. De son autre main, elle vient cependant repousser une mèche rebelle tombant contre la bouche de Siobhan, et la pose doucement sur son épaule pour l'inciter à se rallonger.
« Il faut vraiment essayer de se reposer, maintenant. »
Les mains de Bea quittent le corps de Siobhan quand celle-ci lui demande de la laisser partir. Pour quelques secondes, elle reste à la regarder, assise sur ses talons, mains sagement posées à plat sur ses genoux à présent, mais ses doigts s'agitent, tout comme sa bouche, qui s'agace, qui refuse, qui ne comprend pas cette obstination à mourir, qui ne comprend pas cette obstination à se blesser. Une poignée de souvenirs se ravivent à sa mémoire, grains de sable parasites qui perturbent son jugement.
Elle repense à une autre femme encore jeune qui n'avait plus de raison de vivre après la mort de son mari. Pas même pour ses enfants. Elle repense aux nuits passées à dormir devant la porte de la chambre de cette femme qu'elle appelait Mama pour s'assurer de sa respiration régulière. Elle repense à la fouille de tous les tiroirs et de toutes les cachettes pour se débarrasser des objets tranchants. Elle repense à une corde qu'elle dénoue autour d'une nuque bleuie qu'on n'a pas réussi à briser. Elle repense à la nuit où elle a suivi sa mère jusqu'au fleuve et l'a regardée s'enfoncer sous les eaux de glace. Elle repense au moment où elle a plongé pour la suivre encore, jusqu'au bout, au froid qui s'est refermé sur sa maigre poitrine de gamine de treize ans, aux supplications et aux appels à l'aide qu'elle lançait entre deux gorgées d'eau (elle n'a jamais pu se résoudre à apprendre à nager après cette nuit-là). Elle repense aux yeux écarquillés d'horreur de sa mère et à la promesse de ne jamais, jamais recommencer. Promesse qu'elle avait tenue. Promesse qui lui faisait parfois demander à sa fille d'abréger ses souffrances quand elle ne pouvait le faire elle-même.
Lentement, Bea range son matériel, replie avec méthode et minutie ses lunettes, va les déposer sur son bureau, et retourne s'asseoir en tailleur près de Siobhan.
« Je ne vais pas vous forcer à rester, si c'est ce que vous croyez. Vous pouvez partir. Si vous réussissez à vous levez et à marcher jusqu'à cette porte. Ce dont vous seriez sans doute capable, Siobhan, puisque vous m'avez l'air d'une dure à cuire, pas vrai, le genre à tenir ses tripes dans une main pendant que de l'autre on tranche la tête d'un ennemi. Et je comprends. Je comprends que vous n'ayez envie d'avoir confiance en personne, de ne rien devoir à personne, de ne dépendre de personne. Seule contre le reste du monde, pas vrai Siobhan ? Et ça vous a tellement bien réussi, jusqu'à maintenant. Alors je vous propose autre chose. Un essai. Une nuit. Vous essayez, pendant une nuit, de ne pas jouer les têtes de mule et de me croire quand je vous dis que vous n'allez pas pouvoir faire deux pas dehors sans vous effondrez. Que vous avez besoin d'un peu de temps pour vous remettre de cette blessure. Essayez juste, pour une nuit, de faire un peu confiance à quelqu'un. »
Avec un soupir, et une douloureuse hésitation, Bea se rapproche de Siobhan, s'allonge presque à côté d'elle, son visage si près du sien que leurs nez pourraient se toucher.
« J'aurai pu vous droguer. J'aurai pu vous assommer. J'aurai pu appeler des renforts, j'aurai pu vous laisser mourir, j'aurai pu vous garder à l'hôpital. Je n'ai rien fait de tout cela, alors que vous ne m'avez vraiment donné aucune raison de vous faire confiance. J'ai pris le risque, et vous voilà sauvée. Mais ça ne durera pas tant que vous ne prenez pas un risque vous aussi. S'il vous plaît. Je ne vous demande rien, ma seule récompense c'est de voir mes patients guérir. C'est la seule chose que je veux de vous. Vous voir en pleine forme. Alors s'il vous plaît, pour la dernière fois. »
Elle hésite si longuement que c'en devient une torture, mais elle ne sait plus comment l'atteindre, comment parler son langage, comment lui faire comprendre, et finalement elle se décide, elle se lance à nouveau, prend un autre risque (qui aurait su qu'elle pouvait être si téméraire), ferme les yeux, exhale un souffle tremblant, et pose ses lèvres douces sur les lèvres meurtries de Siobhan. Ce n'est pas un baiser proche de la passion qui a été ressentie tout à l'heure. Mais il contient tout autant de désespoir. Et une grande douceur. Un soutien. Un espoir. Bea se recule et laisse ses doigts glisser sur la joue de Siobhan, fantômes de tendresse.
« Laissez-moi vous aider ? Restez ici. Une nuit. Et après, vous verrez. »
Siobhan O'Meara
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Dim 11 Jan - 22:12
[quote="Siobhan O'Meara"]
« I'm friends with the monster that's under my bed. Get along with the voices inside of my head. You're trying to save me, stop holding your breath. And you think I'm crazy. »
Siobhan laisse sa tête retombé sur le sol. Elle ferme les paupières un instant, parce que malgré la tension qui règne dans son corps, il y a une petite voix dans sa tête qui lui murmure que Beatriz n’est pas une menace. Mais la jeune femme n’est pas dupe. Le monde entier est dangereux. Les êtres humains ont l’arme la plus fatale qui existe. Les mots. Meurtrière. Monstre. Il suffit que quelque mots, de simple petites lettres, pour détruire une personne de l’intérieur, et la faire imploser. Et Siobhan se regardait déjà dans le miroir comme si elle n’avait jamais été assez, comme s’il n’y avait rien à sauver chez elle. Et Mère n’avait pas eu besoin d’autre arme que les mots. Tu n’es pas ma fille. Sekhmet est pareille. Elle utilise la langue avait plus de talent qu’un lanceur de couteau. Pourquoi Beatriz serait différente, pourquoi aurait-elle besoin de se munir d’une arme, alors qu’elle a l’air de savoir se servir des mots. Il suffirait de trouver ceux qui résonnent en elle pour la blesser. Si c’est encore possible. Peut-on réellement faire du mal à un cœur qui ne bat plus, un cœur trop fracturé pour être réparé ?
[list]« Siobhan. Pas mademoiselle. Pas madame. Siobhan. »[list]
Mademoiselle, c’est l’innocence qu’on lui a volée. Madame, ce ne sont que des blessures qu’on lui a imposées et des choix que l’on lui a retiré. Siobhan, c’est ce qu’il reste d’elle, ce qu’il reste de l’enfant, de la petite fille qui courrait en riant, Siobhan, c’est ce qu’il reste d’avant. Et c’est la seule chose qu’elle veut encore être, si elle doit être quelqu’un. Monstre. Pauvre petite Siobhan. Douce, douce Siobhan. Elle a tout été, a été associée à tout, mais elle est toujours restée Siobhan. Et c’est la seule chose qui compte pour elle. Elle tente de sortir de ses pensées et fixe le verre que Beatriz vient de poser à coté d’elle, et le repousse doucement pour ne pas le renverser. Elle n’a pas confiance, elle l’a dit clairement, et elle n’avalera absolument rien de ce que pourrait lui donner la jeune femme. Elle sait qu’elle doit se reposer, elle sent dans son cerveau un rythme qui bat la mesure. Mais elle ne veut pas, pas ici, si seulement elle pouvait aller jusqu’à son atelier, elle dormirait bien plus tranquillement. Mais ici, elle est fragile, elle n’a pas d’arme, pas de force et pas non plus la volonté de lutter contre la femme qui la regarde de ses yeux si foncés qu’il lui semble qu’il voit à travers son âme. Mais elle est tellement fatiguée, tout son corps se ligue contre elle, malgré la tension qui crispe douloureusement ses muscles, y compris ceux de son ventre. Sa bouche parle, mais son cerveau n’est pas vraiment connecté, et elle laisse les mots s’échapper dans un murmure, comme un secret. Mais après tout, il s’agit vraiment d’un secret.
« Vous avez raison. Je ne veux pas mourir. Mais pas parce que j’ai encore un espoir que ça aille mieux, et que je trouve un raison de mettre un pied devant l’autre. Elle soupire profondement et ferme les paupières. Je ne sais pas comment c’est la mort. De ce que j’en ai vu, ça n’a rien de paisible. Les yeux de Damien, empli de douleur et de terreur, qui la fixe, encore et encore. Les yeux de Damien, vitreux, mais pas en paix. Et elle admet dans un soupir encore plus bas. Si mourir, c’est comme vivre, mais éternellement. Alors non, je ne veux pas mourir. »
C’est comme si son pouls battait derrière ses paupières. Elle rouvre les yeux et regarde Beatriz s’allonger à côté d’elle, comme si elle n’était pas un danger. Pourtant mes marques rouges qui ornent sa joue et celles, violacée sur ses mains prouvent le contraire. Siobhan est un animal sauvage. Et elle fera tout pour fuir les barreaux d’une cage qui se referme sur elle. Elle veut la repousser, lui dire que ça ne sert à rien de la supplier, encore, qu’elle ne changera pas d’avis. Une nuit, c’est déjà bien trop à vivre en captivité. Mais avant que les mots ne puissent se former dans son esprit fatigué, les lèvres de Beatriz se posent sur les siennes. Son souffle se bloque dans ses poumons un instant, et elle ne comprend pas pourquoi son ventre se tord, comme si une nuée de papillon venait de s’envoler. C’est laid les papillons. C’est trop beau pour qu’elle puisse apprécier. Elle ne comprend pas cette sensation, et elle lui fait peur, tout comme Beatriz lui fait peur. Qui pourrait penser que derrière cette guerrière aux flèches aussi aiguisées que sa langue, à l’armure aussi épaisse que les murs qui entoure son cœur, se cache une peur abominable de tout ce qui se trouve autour d’elle. Si elle fuit le monde entier, c’est parce qu’elle ne le comprend pas, parce qu’il lui a fait tellement de mal qu’elle ne cherche plus à le comprendre. Et ce qu’elle ne comprend pas l’effraye. Ses paupières se ferment à nouveau quand les doigts de la jeune femme caressent sa joue, avec la douleur d’une plume. Elle secoue la tête à la négative à nouveau. Elle n’a pas besoin d’elle. Elle n’a pas besoin de rester ici. Elle veut partir, retrouver Sekhmet et lui ouvrir le ventre.
« Vous embrassez tous vos patients ou est-ce que je suis une exception ? »
Un lèger sourire flotte sur ses lèvres pâles. Mais il n’y a rien de vraiment sérieux dans sa question, car elle connait déjà la réponse. Ses yeux s’ancrent dans le regard de Beatriz. Sa main se pose sur la taille de la jeune femme, contre sa hanche, et son ventre réclame les lèvres si douces qui la tentent tellement. Juste une fois, réclame son corps. Une dernière fois avant de partir. Elle a besoin de retrouver ces lèvres, une toute dernière fois. Sa main se serre sur la hanche de la jeune femme, l’attire plus près d’elle. Elle peut sentir son parfum enivrant, l’émeraude de son regard brille de la même sensation qui fait vibrer son corps.
« Beatriz. »
C’est à peine un murmure. Mais si près de l’autre femme, elle est sûre qu’elle l’entend. Et ses lèvres se posent contre celle de la femme une nouvelle fois. La main posée contre sa taille remonte le long de son dos et vient de perdre dans les cheveux noirs de Beatriz, l’attire contre elle, tandis que ses lèvres se moulent contre celles qu’on lui offre, elle mordille délicatement la lèvre inférieur de Bea, et elle tente inconsciemment de se tourner, pour être encore plus près de l’autre femme. C’est un baiser plein de passion, mais plein de douceur. Et quand sa langue vient caresser les lèvres de Beatriz, lui demandant l’accès à sa bouche, son cœur bat une fois, deux fois, et elle recule, comme mordue par un serpent.
« Je dois partir. »
La peur se lit dans son regard, mais avec une détermination sans faille, elle tente de se redresser, plusieurs fois, sans succès, avant de basculer sur le côté, ce qui lui arrache un grognement de douleur, avant de pouvoir prendre appui sur ses bras et de se lever. Elle reste pourtant debout sans bouger pendant de longues secondes, tandis que sa tête lui tourne et que ses jambes tremblent. Ses poings se ferment pour lutter contre la douleur qui remonte en vague depuis son ventre, et elle pose un pied devant l’autre comme elle a toujours fait. Un pas après l’autre. Pas plus vite. Mais ses jambes ne sont pas stables, et elle vacille, se rattrape. Et avance encore. Elle est presque à la porte quand ses jambes se dérobent sous elle, et elle tombe à genoux, se rattrape difficilement et grince des dents de douleur. Cette douleur si forte qu’elle pourrait s’en arracher la peau. Dans sa chute, son haut remonte sur son dos, découvrant les cicatrices qui l’orne. Elle grogne et d’une main tremblante, tente de réajuster son haut pour cacher son corps. Beatriz en a déjà trop vu. Elle rampera s’il le faut, mais elle sortira d’ici ce soir. Peu importe la douleur, les blessures, peu importe si elle en meurt, elle ne restera pas ici. Les paumes collées le sol et les genoux douloureux, elle regarde la porte comme si sa vie en dépendait. Elle pose son front contre le sol froid, son corps tremble plus que jamais. Elle ne veut pas qu’on ne l’enferme pas de nouveau, pas comme ça, pas si vulnérable.
« Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck. Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck. Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck. Fuck. Trois. Neuf. Vingt-sept. Idiote. Stupide, stupide Siobhan. Quatre-vingt-un. Sekhmet avait raison. Douce Siobhan, maman a dit. Pauvre, pauvre Siobhan, papa a dit. Deux cents quarante-trois. Court, Siobhan. Fuit. »
Elle continue à compter en chuchotant, oubliant où elle se trouve, avec qui elle se trouve. Elle veut tout oublier et se perdre dans l’abîme qu’est son esprit. Et sa main continue a tiré sur son haut pour qu’il recouvre son dos, même si c’est fait, depuis longtemps. Et elle compte encore. Toujours. Jusqu’à ce perdre dans les nombres.
Beatriz Desio
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Jeu 22 Jan - 13:58
« Si mourir, c’est comme vivre, mais éternellement. Alors non, je ne veux pas mourir. »
Bea ne dit rien pendant longtemps. Ses doigts s'enroulent autour de la petite fiole que Siobhan a délaissée – quelle surprise – pressent et relâchent, pressent et relâchent, tandis que ses pensées s'agitent. Pour elle, il n'y a pas le moindre doute. Derrière le voile de la mort, il n'y ni Enfer ni Paradis qui attendent les malheureux. Il n'y a rien. Pas même l'obscurité. Pas même le vide. Le rien. Le non-pensable. L'inconcevable. Pour beaucoup, c'est peut-être plus terrifiant que le purgatoire éternel. Bea, elle, considère que l'on ne peut pas logiquement craindre ce qui est impensable. On ne peut pas craindre ce qu'on ne peut comprendre, ce qu'on ne connaîtra jamais puisque notre conscience sera anéantie. Avant, elle croyait à quelque chose. Il y avait beaucoup de résidus de vieille religion à Alba, envahissant les foyers comme la saleté rampante des mines. Isaya s'était toujours moquée de cette atmosphère bigote, mais avait accepté, à contrecœur, que ses enfants soient baptisées et emmenés à l'église par leur père bien plus admiratif des quelques vitraux qui avaient subsistés plutôt que des mots menteurs de la Bible. Mais ni l'impiété de leur mère, ni le naïveté de leur père prise entre scepticisme et volonté d'y croire ne les avait influencés. Ils devaient faire leur propre chemin, bâtir leurs propres croyances, ou incroyances. Jusqu'à l'âge de 13 ans, Bea priait beaucoup. Elle aimait les églises et les orgues, les cloches et les chants, elle aimait les histoires terribles et prodigieuses, les miracles et les décapitations, c'étaient ses contes de fées à elle, ceux qui donnaient des cauchemars et apprenaient à être fort. Elle n'avait sans doute pas tiré des Saintes Écritures les leçons qu'elle était supposée retenir, elle avait fait son propre catéchisme où les baleines qui avalent des hommes et les danseuses orientales qui demandent la tête des saints et les serpents tentateurs étaient les véritables héros de l'histoire, et pas cet homme trop humble aux cheveux longs qui se disait fils de Dieu. Puis à 13 ans son père était mort. Sa mère s'était effondrée comme les statues de sel de Sodome et Gomorrhe. Et elle avait arrêté de prier les anges.
« Je n'ai certes pas le pouvoir de vous faire changer d'avis sur la mort, Siobhan, mais j'espère en revanche pouvoir un jour vous montrer que la vie n'a pas à être subie dans la souffrance. »
Son regard est toujours lointain quand elle poursuit, son index traçant distraitement la nette cicatrice découpant sa lèvre supérieure.
« La vie n'a pas à être subie du tout, d'ailleurs. Elle doit être prise. La plupart des gens mettent du temps avant de le comprendre. Et quand ils le font, ils confondent prendre et voler. »
Maintenant, elle regarde Siobhan. À la lumière du feu, ses yeux brillent comme de l'or liquide au lieu de luire comme la dure obsidienne qui les caractérise au contact du jour. Elle la regarde et veut la retenir, pour une raison qui lui est parfaitement inconnue elle sait qu'il est vital, essentiel, nécessaire qu'elle la retienne, et pas seulement parce qu'elle pourrait mourir, mais parce qu'elle pourrait disparaître dans la poussière. Elle ne sait pas pourquoi elle tente ce geste fou de poser à nouveau ses lèvres sur les siennes, le premier baiser l'avait déjà tellement choquée, mais elle le fait quand même, et elle se donne comme elle le fait toujours dans la vie, entièrement, fougueusement, absolument – seulement pour une poignée de secondes, une minute ou un mois, mais jamais pour toujours. Elle se s'empresse de reculer, mais ses doigts restent sur la joue de Siobhan se glissent dans ses cheveux, et elle rit, gênée, incrédule, quand la jeune femme fait preuve d'humour pour la première fois depuis ce soir.
« Vous m'avez perturbée. Je n'ai pas l'habitude d'être embrassée par mes patients après avoir eu un couteau sous la gorge. Vous me faites faire n'importe quoi. Vous êtes très certainement une exception, Siobhan, je pense ne pas exagérer en vous avouant n'avoir jamais rencontré quelqu'un comme vous. »
Elle cligne des yeux, détourne légèrement la tête, essaie de ne pas se montrer trop vulnérable, inspire puis revient vers Siobhan, son regard toujours aussi intense, pressant.
« Et puis je ne sais pas comment vous faire comprendre... »
...Que vous devez rester ici. Elle n'achève jamais sa phrase, Siobhan venant lui voler un nouveau baiser – est-ce vraiment du vol quand il est rendu si volontiers – et l'alarme retentit enfin dans son cœur, elles sont en train de franchir une ligne, la première fois pouvait être une honorable erreur, la seconde une compréhensible nécessité, mais là il ne s'agit que de plaisir, et cette rencontre commence décidément à ressembler au plus étrange et au plus inattendu des coups de foudre, et Bea ne donne pas dans ce genre de romance-là, dans le sentimental qui fleure la magie ou le destin et tous ces grands tropes de l'amour et du désir, Bea elle n'accepte que la légèreté et l'éphémère, le rire et le sexe mais pas le drame et l'attachement, et embrasser cette inconnue qui a failli mourir dans ses bras comme si la fin du monde allait leur tomber dessus dans une heure, c'est une entorse à ses règles. La main de Siobhan est brûlante sur sa hanche, son nom est incandescent sur ses lèvres, elle est en train de s'adonner au comportement le plus incompréhensible de sa vie.
« Siobhan, ce n'est... »
Sa respiration se coupe et se transforme en lourd soupir quand les dents de la jeune femme s'enfoncent délicatement dans sa lèvre et sa main dans ses cheveux et pendant un instant elle oublie complètement pourquoi ce baiser est une très mauvaise idée et sa main se presse contre la joue de Siobhan pour l'attirer davantage vers elle.
Elles se séparent toutes deux au même instant, frappées par la même électricité, mais pas la même crainte.
« Je dois partir. »
Bea se surprend à hocher la tête, comme si elle avait soudainement tout oublié de leur situation et qu'il s'agissait d'une autre de ses rencontres trop intenses où elle pressent qu'il vaut mieux y mettre un terme au plus tôt avant que cela n'aille plus loin, puis elle écarquille les yeux, retrouvant ses esprits loin des lèvres de Siobhan et secoue la tête.
« Non attendez ce n'est vraiment pas une bonne... »
Elle regarde les efforts de Siobhan pour se redresser, soupire, hésite à intervenir, pour l'aider ou la forcer à se rasseoir, elle l'ignore, puis finalement décide de la laisser se démerder toute seule, si elle veut être stupide et têtue, c'est son problème, qu'est-ce qu'il lui prend de continuer à vouloir aider cette fille qui n'arrête pas de la perturber de toutes les façons quand elle n'est pas en train d'essayer de la tuer ou de se tuer, ça la dépasse, elle sait qu'elle a un énorme complexe héroïque, mais tout de même, il y a des limites à toute folie...
Quand Siobhan chute, elle ferme les yeux, son cœur se serrant en entendant le grognement de douleur de la jeune femme.
« Idée, »achève t-elle enfin dans un murmure.
Elle se lève en secouant la tête avec dépit, et s'agenouille près du corps agité de convulsions de Siobhan.
« C'était la chose la plus stupide que j'aie jamais vue, bravo. Vous allez continuer longtemps comme ça ou finalement vous rendre compte que la chose intelligente à faire est de rester tranquille ? »
Elle pose une main douce et apaisante sur le dos de Siobhan juste entre ses omoplates, mais ne tente pas d'empêcher ses contorsions pour ajuster ses vêtements. Au contraire, de son autre main elle rabat prestement le haut pour cacher de nouveau les cicatrices. Elle écoute la litanie de Siobhan, les sourcils froncés, sa peau est brûlante, elle est sans doute saisie de fièvre, il faut absolument qu'elle boive cette huile parce que Bea ne sait pas comment elle parviendra à la convaincre de se faire traiter pour une infection si elle a déjà tant de mal à seulement la persuader de s'allonger et dormir. Finalement elle craque et gronde d'une voix ferme, la voix réservée à ses trois adorables voyous de frères quand ils se montrent particulièrement difficiles:
« Siobhan stupide, Bea a dit. Reprenez-vous un peu, vous êtes en train de vous laisser emporter par la fièvre. Vous vous rendez bien compte que vous n'allez jamais pouvoir passer cette porte toute seule, et il est hors de question que je vous envoie crever dans le froid. Je vous ramène sur la couverture, vous allez dormir ici, tant pis si ça vous déplaît, vous n'aurez qu'à me trancher la gorge demain matin, si vous réussissez à faire deux pas sans vous effondrer comme un arbre. Allez, aidez-moi maintenant, je ne suis pas Atlas. »
Elle glisse ses bras sous ceux de Siobhan, la redresse en douceur, et toujours avec délicatesse, avec bien plus de gentillesse qu'elle ne met dans ses paroles, elle la guide jusqu'aux couvertures devant le feu, moitié portant, moitié traînant, et l'allonge finalement avec un soupir de soulagement et un petit rire.
« Vous n'êtes pas bien lourde, mais malheureusement je joue dans la catégorie poids-plume... »
Elle remet ses cheveux en place en un geste machinal, et ses yeux tombent de nouveau sur la fiole d'huile. Elle la saisit, et la met devant les yeux de Siobhan.
« Ceci n'est pas du poison. C'est un anti-inflammatoire, pour éviter que votre blessure ne s'infecte et faire baisser la fièvre. Et c'est le plus léger anti-douleur que je possède, rien qui ne puisse ressembler à une drogue. Vous voulez une preuve ? »
D'un geste vif, Bea porte la fiole à sa bouche et en vide le contenu. Elle reprend son sac, trouve une autre fiole, la remplit d'huile d'olive, même dose que la précédente, et la tend à Siobhan avec un sourire.
« Quand j'étais enfant ma mère nous en faisait boire à chaque début d'hiver, en prévention. C'est rare d'en trouver ici, encore plus à Alba, d'où je viens, mais dès qu'elle mettait la main dessus, la maison sentait l'huile d'olive pendant des jours, elle l'utilisait même pour les shampoings. »
Son sourire est blessé par les épines familières des souvenirs, mais elle s'efforce de le tenir aussi longtemps que possible.
« En parlant de shampoing, est-ce que vous voulez vous nettoyer un peu avant de dormir ? On ne peut pas mettre de l'eau sur cette blessure avant deux jours, mais on peut faire quelque chose pour le reste. Je parie que vous en avez un peu marre de l'odeur du sang. »
Siobhan O'Meara
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Jeu 22 Jan - 20:18
« Your eyes, they shine so bright, I want to save their light. I can't escape this now unless you show me how. Look into my eyes, it’s where my demons hide. Don’t get too close, it’s dark inside, it’s where my demons hide »
Les nombres s’échappent d’entre les lèvres de Siobhan, sans qu’elle ne les retienne. Elle ne veut même les arrêter, car ils la calment, ils calment les voix dans son esprit qui lui murmurent tant de mensonges. Elle sait que c’est étrange, de compter sans fin, mais elle a toujours trouvé ça tellement rassurant. Les multiples de trois surtouts. Répéter une phrase trois, neuf, ou trente-trois fois, avant de pouvoir être plus calme. Rajeeva lui a souvent dit qu’elle n’était pas normale. Il ne s’est jamais aventuré à lui dire qu’elle était folle, ou qu’elle avait quelque chose qui clochait dans son cerveau. Sa femme, elle, n’avait jamais hésité à lui dire qu’il manquait des engrenages dans l’horloge de sa tête. Un psychologue lui aurait surement dit qu’il s’agissait d’une réaction normal, que son cerveau luttait du mieux qu’il pouvait pour s’en sortir, pour survivre aux traumatismes qu’elle avait vécue. Et sa compulsion de compter les objets dans une pièce, de réarranger les choses pour finalement les remettre au même endroit, de vérifier continuellement les pièces, les portes, la manière dont elle avait rangé ses outils, de compter, encore et encore, de demander trois fois la même chose, et d’attendre qu’on lui réponde trois fois, tout ça faisait partie d’un tout. Et s’arracher les cheveux, se griffer, se ronger les ongles jusqu’au sang. Elle en avait besoin pour vivre tout comme elle avait besoin d’oxygène.
Stupide Siobhan, Bea a dit. Pas stupide. Elle n’est pas stupide. Elle est beaucoup de choses, mais ça, elle ne l’est pas. Elle s’est défendue, corps et âme pour échapper à ces mots. Elle relève un instant le regard vers Beatriz, et dans l’émeraude de ses yeux, on peut voir son cœur qui se brise, encore une fois. A croire qu’apparemment, il y a encore des morceaux à casser. Peut-être faut-il que son cœur se transforme en sable pour qu’elle ne ressente plus rien. Elle savait, depuis le début, elle savait que Beatriz n’aurait pas besoin d’arme pour lui assener le coup fatal. Elle aurait pu en pleurer, mais ses yeux sont secs comme un désert. Elle n’a plus versé une seule larme depuis son mariage, la rivière qui coulait dans son cœur s’est tarie depuis bien longtemps, la chaleur de la colère a fait s’évaporer toutes les larmes de tristesse, de joie, de honte, et même celle qu’on verse lorsque l’on est trop énervé. Et Siobhan n’est pas comme les autres, Siobhan ne pleure pas. C’est seulement son âme qui se brise et s’éparpille aux quatre vents. Mais dans son regard perçant, son regard puissant, son regard douloureux, on peut voir, si on sait lire, toute la douleur qui la ronge. Et c’est ce regard-là qui se pose sur Beatriz. Elle a les yeux de maman, et les paroles aussi blessantes que celles de Père. Elle attend la main qui va frapper, sa tête tombe entre ses épaules, elle baisse le dos, se prépare au choc. Elle ne sait pas ce qui va venir. C’est comme avec Père. La main qui frappe, les pieds qui détruisent, le martinet qui déchire la peau. Elle attend, et serre les dents. Mais rien ne vient, et elle n’est pas stupide. Pas stupide. Pas idiote. Pas fragile. Et pas innocente. Elle n’est pas stupide. Elle hurle dans sa tête qu’elle l’est, stupide, d’avoir pu croire un instant que Beatriz était différente. Idiote. Stupide, stupide Siobhan.
Elle n’est qu’une poupée de chiffon quand Beatriz la traîne vers la couverture. Elle ne fait aucun effort pour l’aider. « Pas stupide. Pas stupide. Find a penny. Pas stupide. Pick it up. Pas stupide. All day long you’ll have good luck. Idiote. » Elle se laisse allonger, son regard est ailleurs, perdu quelque part dans le néant de son esprit. Les mots de Beatriz ont fait plus de ravage que les griffes de Sekhmet. Ils ont touchés plus profond, entaillés plus fort, et son esprit se ferme lentement. Et elle sait que les barrages ne finiront pas lâcher. Elle a les yeux posés au plafond, et Beatriz lui parle, mais les mots ne l’atteignent pas. Elle a mal au ventre, et elle est fatiguée. Elle veut s’endormir et ne jamais se réveiller. Quand Beatriz lui prends la fiole, elle l’attrape entre ses doigts et la garde dans sa main, continue d’écouter, plus attentive. Et Beatriz parle de sang. De l’odeur du sang. Et les yeux de Siobhan s’allument d’une rage meurtrière. Elle n’est pas une enfant. Elle n’a pas besoin de se faire soigner, de se faire laver. Elle n’a pas besoin que l’on prenne soin d’elle. Elle est loup qui a perdu sa meute, jument qui a perdu sa horde, à courir sur le fil de la survie. Elle n’a besoin de rien, ni de personne, elle marche la tête haute, et les pieds en sang, et quand elle tombe, ce sont ses mains qui la tire et traine son corps. La fiole vole à travers la pièce, puis elle s’immobilise, observe autour d’elle, et laisse sa tête tomber sur la couverture. Elle voit Beatriz se tendre, puis la menace semble passer. Siobhan grogne une fois. Et ce n'est plus un avertissement. L'animal passe a l’attaque. Elle se redresse, et son corps plaque celui de Bea contre le sol, sa main emprisonne ses poignets. Elle a la force des survivants, des fous, des maudits. Celles des bêtes sauvages avides de liberté. Celle des monstres qui hurlent dans sa tête. Elle sent la plaie s'étirer un peu, pas suffisamment pour en arracher les points, mais assez pour envoyer une vague d'adrénaline pulser dans des veines. Il n'y a rien de pire qu'un animal blessé. De sa main libre, elle tire une fine lame de l’intérieur de sa chaussure. Elle se délecte du pouls qui s’accélère sous ses doigts. Elle tient les jambes de Beatriz entre les siennes, leurs seins s’effleurent, et ça aurait pu être sensuel, mais Siobhan plaque sa lame contre la gorge de Beatriz.
« Je ne suis pas une petite fille. Tu soignes parce que c'est ta vocation. Je tue par pur plaisir de voir le sang couler. Je ne suis pas stupide. Je ne suis pas malade ou fiévreuse. Je suis folle. Tu comprends ? Le genre qu'on attache contre un mur avec des chaînes, et celui contre lequel on prie pour qu'il ne se libère jamais. Je n'ai jamais tué que ceux qui le méritaient, mais je peux bien faire une exception. Et si tu bouges, Beatriz, je te tranche la gorge. »
Un sourire carnassier s’étire sur ses lèvres. Mais sa tête lui tape, et son ventre lui fait mal. Ses yeux s’embrument. Son cœur s’emballe. Et sa tête tourne, et tourne. La main appuyé plus fort contre la gorge, serre les poignets avec plus de brutalité. Et inconsciemment, son corps se frotte à celui de Beatriz. Mais elle a envie de vomir, et elle a la tête qui tourne encore plus fort. Ou alors c’est la pièce qui s’agite. Pas stupide. Imbécile. Les voix dans sa tête ricane quand le bras qui tient les mains de Bea se met a trembler, ne soutient plus son corps. Elle ferme la paume sur la lame dans sa main, et roule sur le côté, les yeux fermés, des étoiles dansent derrière ses paupières. Le sang coule lentement de sa paume, tandis que son autre main se ferme contre ses flancs. Elle a l’impression de ne plus être capable de respirer. Sa bouche s’ouvre et se ferme, mais aucun son ne sort. Son corps s’emballe, de son rythme irrégulier. Son corps est traitre, et son cœur se mêle à la danse. C’est lui qui l’achèvera. Sa main lâche enfin la lame et frotte son visage, étalant le sang, donnant à son visage pâle des allures de guerrier sanguinaire alors qu’elle n’est qu’une pauvre petite fille, une enfant démunie.
« J’ai mal. »
Elle grogne entre ses dents, de façon presque incompréhensible. Et sa main s’accroche à sa poitrine. Ce n’est pas son ventre qui la fait souffrir, mais son cœur, qui bat la mesure de façon la plus étrange qui soit, qui n’arrive plus à battre de façon cohérente. Et elle veut juste s'endormir. Quand son cœur cesse de battre dans ses tempes, et que sa fatigue s'en aille. Elle veut juste dormir. Et ne jamais se réveiller. Bientôt, lui murmure une voix dans sa tête. Et elle veut y croire. Si fort. Si fort qu'elle y croit. Et elle rouvre les paupières, et ses lèvres bougent, mais elle ne prononce aucun mot. Tues-moi, elle murmure dans sa tête. Parce qu'elle veut juste que ce cauchemars s'arrête.
Beatriz Desio
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Ven 23 Jan - 0:06
Her fight and fury is fiery Oh but she loves Like sleep to the freezing Sweet and right and merciful I'm all but washed In the tide of her breathing
~ ~ ~
Ce qui est difficile quand on est confronté à des gens qui n'ont d'autre choix que d'altérer la réalité pour qu'elle se conforme à la forme de leur pensée et rassure les battements hasardeux de leur cœur, c'est de savoir jusqu'à quel point il est nécessaire d'essayer d'entrer dans cette réalité autre, de percevoir différemment, de comprendre et de partager, et à quel moment il faut taper du pied et refuser de se laisser entraîner pour ne pas tout simplement les aider à se noyer plutôt que de les faire sortir de l'eau comme c'était notre intention au départ. Bea, au cours de sa courte mais intense carrière, a été confrontée à plusieurs cas de folie, d'hystérie, de simples délires passagers, de tocs, d'accrocs dans cette belle phrase de la normalité qui ne veut rien dire, qui n'est qu'un idéal abstrait, le point parfait vers lequel tous tendre sans savoir qu'il n'existe pas et n'a jamais existé. Les patients ont défilé sous ses yeux, sous ses doigts, elle en a comprit certains, d'autres lui sont restés des mystères impénétrables, mais aucun d'entre eux n'a connu un geste de rejet de sa part. Aucun d'entre eux ne l'a vue renoncer, même quand ses collègues s'arrachaient les cheveux sur les cas impossibles, même quand les rares spécialistes qui s'intéressaient encore vaguement à la complexité de la psyché humaine décidaient de baisser les bras devant la fatalité d'un cerveau opaque. C'est peut-être parce qu'elle n'y connaît rien, Bea. Elle n'a pas de grandes théories à appliquer, elle ne se prend pas la tête pour différencier la névrose de la psychose, elle ne va pas se masturber la nouille à jouer les savants et donner de pompeux diagnostics terminant en « phrénie » et « isme ». Non, elle regarde. Elle observe. Elle apprend. Elle ouvre. Elle ouvre et accepte l'autre en elle. Et par de petites actions, par de petites attentions, elle fait des progrès, tout doucement. Non, Olivia ne fait pas de réactions allergiques au coton, elle ne supporte pas la couleur bleue des serviettes et des chemises d'hôpital. Non, le petit Jérémie ne souffre pas du syndrome de Tourette, s'il n'arrête pas de retrousser les lèvres et de grogner c'est parce que son chien lui manque et il l'imite quand il a peur ou qu'il est triste. Vous auriez dû regarder ses dessins. La plupart des gens cherche immédiatement à trouver la solution la plus claire, la plus parfaite, la plus aisément définissable, mettre le nom qui mettra une boîte qui enfermera l'être dans des contours bien nets et faciles à soigner. Ça ne marche pas comme ça, l'humain. C'est brouillon, c'est le bordel, c'est une lutte à mort, c'est à se cogner la tête contre les murs. Et ça en vaut la peine.
Bea observe Siobhan. Elle n'a fait que cela depuis que leurs regards se sont croisés pour la première fois. Elle l'examine, non pas comme un objet, non pas comme un cas, mais comme un peintre examine un paysage, comme quelque chose à inventer, à créer. À révéler. Elle essaie de trouver les chemins de son univers, mais celui-là il faut s'en tenir éloigné. Il est plein de terreur et de haine, de fureur et de bruit. Plein de peine. Il ne faut pas la rejoindre là-bas. Il faut la ramener ici. Et c'est ce que Bea entreprend de faire, avec ses mots fermes, sa logique sévère, sa dureté. Il faut du dur pour que Siobhan s'accroche, pas du mou dans lequel elle va s'enfoncer et qui va la laisser tomber.
« Si, stupide. Stupide parce que vous n'êtes pas en train d'utiliser ce cerveau brillant qui est enfermé derrière vos yeux, vous êtes en train de vous laisser utiliser par lui. Elle est où votre liberté, Siobhan, dites-moi, si vous êtes enfermée dans votre propre tête ? Ce n'est certainement pas cette porte qui vous retient prisonnière. »
Elle l'allonge à nouveau, elle lui parle, elle tente de la ramener parmi les vivants, mais autant parler à un mur, les yeux roulent et ne la voient pas, les oreilles se ferment à ses paroles, peut-être est-elle en train de s'endormir, après tout, finalement, Beatriz soupire et fait un geste pour reprendre la fiole avant qu'elle ne tombe des mains de Siobhan si celle-ci sombre brusquement dans le sommeil, mais à cet instant la main de la jeune femme se crispe et d'une détente prodigieuse pour quelqu'un qui devrait avoir à peine l'énergie suffisante de battre des cils, elle envoie voler fiole et contenu contre le mur du studio. Bea jure en espagnol en rentrant la tête dans les épaules et fermant brièvement les yeux – elle n'aime pas les bruits trop forts, encore moins ceux des objets qui se cassent – et elle pose un doigt furieux sur l'épaule de Siobhan, sans pousser ni presser, mais dont le tremblement fait acte de sa rage.
« Qu'est-ce que je vous ai dit ? J'en ai pas des litres de cette huile ! Vous êtes vraiment une... brise-tout ! »
Cette habitude de jurer en espagnol l'a rendue quelque peu inefficace pour les insultes en langue commune, mais sa véhémence à elle seule suffit en général à terrifier ses interlocuteurs sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter de la vulgarité, et elle s'apprête à reprendre ses remontrances parce que vraiment, elle déteste qu'on gaspille ainsi des choses précieuses qui en plus lui appartiennent, mais à ce moment la situation se retourne, littéralement, et elle se retrouve plaquée au sol, sans avoir rien vu venir, aveuglée par la colère, et elle se débat inutilement contre la poigne de fer de Siobhan, qui ne devrait pas être capable d'avoir tant de force à ce stade, mais après tout elle vient de faire un lancer prodigieux et elle n'aurait pas dû être capable de le faire non plus.
« Siobhan... »
Le temps que le chuchotement étranglé jaillisse de sa gorge, la jeune femme a tiré une lame de sa chaussure et l'a plaquée contre sa gorge, vive comme l'éclair. Beatriz reste absolument immobile, respirant à peine, essayant d'ignorer les premières gouttes de sang qui perlent sur sa peau mate. Elle écoute Siobhan avec les yeux, avec le ventre, mais sa bouche dure ne laisse passer aucune angoisse, sa moue hautaine refuse la peur et lui renvoie un défi en pleine face.
« Si vous comptez me tuer au moins assurez-vous de trancher la bonne artère. Votre lame est mal située, je pourrai probablement m'en sortir. Ici, en revanche... »
Bea a saisit le poignet de Siobhan, celui qui tient le couteau, et le guide doucement vers sa jugulaire.
« Là, c'est le bon endroit. Il faudra appuyer bien fort, être sûre de la trancher complètement. Mais vous allez y arriver, pas vrai Siobhan, ce n'est pas la première fois que vous tuez, vous n'allez pas hésiter et déraper, n'est-ce pas ? Tant mieux, je préfère encore me faire lacérer la gorge que couper le nez. »
Bea n'a jamais été suicidaire. Elle aurait pu. Elle en a eu des raisons d'arrêter de ce battre. Mais si l'on n'oublie ce moment terrible (et elle a toujours tout fait pour ne pas y penser) où elle a renoncé près du corps de sa mère, ce moment d'abandon où elle a regardé la mort voler vers elle sans bouger le petit doigt, sans essayer de l'éviter, l'appelant honteusement de ses vœux, si l'on n'oublie cet instant, jamais Bea n'a été tentée par le rebord des fenêtres ou le tranchant d'un rasoir. Peut-être le fait d'avoir régulièrement empêché les tentatives de suicide de sa mère y est pour quelque chose. Peut-être l'injustice de l'absence de son père aussi. Et il y avait des gens qui comptaient sur elle. Mais la vérité, c'est que Beatriz a toujours porté en elle une source de lumière vive, une avalanche de vie qui déferle sur elle quand tout semble perdu, et lui fait ôter son genoux de terre, relever la tête hors du cimetière. Alors le petit jeu auquel elle se livre avec Siobhan, ce n'est pas un appel pour en finir, ce n'est pas un secret vœu de mort. Elle a simplement des solutions très radicales et plus que discutables pour répondre aux menaces. Elle est simplement suffisamment dérangée pour oser sauter dans le vortex en feu et être certaine de s'en sortir vivante. Quand on a survécu à tout, on peut soit considérer qu'on en a eu assez et entreprendre de se détruire soi-même (Siobhan). Soit se croire invincible (Bea).
Normalité, cette frontière illusoire.
Beatriz regarde Siobhan droit dans les yeux sans fléchir un instant, son cœur battant puissamment d'une force belliqueuse qui lui est familière, et plus son cœur bat fort, plus celui de Siobhan semble s'affaiblir, alors même qu'il s'affole, plus elle est rigide et inflexible, plus la jeune femme chancelle et ses yeux se voilent. Elle n'a même pas besoin de remonter son genou dans l'entrejambe de son assaillante, comme elle avait prévu de le faire – qu'on le sache ou non, c'est douloureux aussi pour les filles – la lame de Siobhan soudain disparaît en ne laissant qu'une traînée de feu et de sang derrière elle, et le corps qui la prenait au piège s'affale à côté d'elle, terrible masse de souffrance. Bea prend enfin une grande inspiration, son souffle tremblant maintenant alors qu'il était parfaitement calme quand Siobhan la menaçait, et quand celle-ci gémit qu'elle a mal, Beatriz se met à rire lugubrement, avec une pointe d'hystérie.
« Sans blague ? »
Elle se redresse, attrape la lame abandonnée sur le sol et l'envoie valser à l'autre bout de la pièce.
« Vous en avez encore d'autres comme ça ? Non parce que j'adore me faire menacer de mort toutes les cinq minutes par la première inconnue ensanglantée qui vient mettre le foutoir dans ma salle de travail. Continuez surtout, c'est hyper excitant ! »
Elle se contraint au dernier moment à mettre de la prudence dans son geste quand elle remonte le haut de Siobhan pour inspecter les dégâts, crachant des insanités qui auraient fait rougir sa mère (¡Que te den por el culo! ¡pedazo de imbécil!). Heureusement, elle n'a pas arraché ses fils, mais c'était tout juste. Elle relève la tête pour observer son visage, Siobhan semble au bord de l'apoplexie, elle lui prend le pouls au poignet, fronce les sourcils, trop rapide, trop superficiel, ce n'est pas bon, elle n'est pas en danger immédiat, c'est l'effet de l'effort et de la douleur et de la perte de sang et tout redeviendrait normalement si seulement elle voulait bien se calmer, mais ça, elle est incapable de le faire apparemment. Beatriz rabaisse le vêtement, se penche au-dessus de la jeune femme, ses yeux changés en ombre-flamme.
« Vous savez quoi Siobhan ? Vous avez raison. Vous n'êtes pas une petite fille. Vous n'êtes pas stupide. Vous êtes une jolín d'inconsciente, voilà ce que vous êtes, une emmerdeuse de première et moi je suis complètement dérangée d'avoir voulu vous aider, vous savez quoi Siobhan, restez avec votre souffrance, restez avec votre crasse et restez dans votre merde, moi je m'en lave les mains maintenant ! »
Beatriz se remet debout, se dirige jusqu'au mur et entreprend de ramasser les bouts de verre en sifflant de colère entre ses dents, puis de nettoyer la tâche d'huile. Quand les dégâts sont plus ou moins réparés, elle se dirige vers la salle de bain, sans prendre la peine de fermer la porte, à quoi bon, Siobhan est maintenant dans un état pire que celui dans lequel elle est arrivée, et elle n'a pas une très jolie tête non plus, songe t-elle en se regardant dans le miroir, entre les griffures sur sa joue, les cernes causées par le manque de sommeil et la surcharge de travail, l'estafilade moins légère qu'elle ne l'a cru qui macule son cou de sang. Une catastrophe ambulante, Bea, voilà ce que tu es, et tu es la seule à blâmer, qu'est-ce qui t'a pris, mais qu'est-ce qui t'a pris bon sang ? Elle grimace légèrement en nettoyant ses plaies – l'eau est si froide, c'est une torture – et tente de décontracter ses mains ankylosées par le travail minutieux effectué sous pression et l'une d'elle abîmée par les dents de Siobhan. Elle lui aura laissé quelques souvenirs... Bea tapote le lavabo avec ses ongle, lutte férocement contre elle-même, non tu ne vas pas y retourner, laisse-là essayer de se barrer, elle va probablement mourir sur le pas de ta porte avant d'aller plus loin, tu vas vraiment la laisser faire ça, Bea, tu as promis, tu soigneras tous ceux qui se présenteront, même les plus difficiles, même ceux qui ne se laissent pas faire, tu as promis, mais elle est complètement cinglée, et alors, elle souffre, un peu d'humanité quand même, humanité ? Va parler d'humanité avec un couteau sous la gorge on va bien rire. Elle soupire, consciente d'avoir déjà perdu cette bataille (et légèrement concernée par cette habitude de plus en plus régulière de partir dans de longs monologues intérieurs, il est temps que Mirë revienne pour qu'elle ait enfin un autre auditeur qu'elle-même), elle rempli un verre d'eau et retourne aux côtés de Siobhan, le pose près d'elle.
« Faudrait pas que vous mourriez de soif, ce serait bête si vous survivez à ça. »
Tellement crédible, Bea, tout le monde est convaincu par ton numéro de je-m'en-foutiste, tu n'es même pas capable de t'empêcher de te soucier des autres deux minutes, seulement deux minutes, tu as vraiment un problème.
Au point où elle en est, autant ne pas en rester là. Elle rapproche l'épaisse peau d'ours de l'endroit où est allongé Siobhan au cas où celle-ci décide que ce soit plus confortable que le sol nu, et s'en va ensuite chercher des couvertures, qu'elle déploie sur la jeune femme.
« Vous allez avoir terriblement froid cette nuit. »
Elle s'agenouille prudemment, reprend le pouls de la jeune femme, il a presque ralenti, presque, elle pourrait l'aider, bien sûr, mais elle risque probablement de se faire crever un œil au train où vont les choses.
« Je peux vous donner quelque chose pour soigner ce cœur. Mais je suppose que vous allez juste essayer de redécorer mon mur avec ? »
Siobhan O'Meara
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Ven 23 Jan - 19:15
« -Now that's everything ? No weapons. No friends. No hope. Take all that away and what's left? - Me. »
C’est étrange, comme il y a un tel défi dans tous les mots que Beatriz prononce. Et c’est, sans le vouloir, une d’aspect que Siobhan découvre de la jeune femme et qui l’attire vers elle. C’est étrange. Les gens normaux supplient pour qu’elle les laisse vivre, ils ne lui offrent pas leur gorge. La seule chose que Beatriz demande, c’est que l’Irlandaise se laisse soigner et se repose. Peut-être est-ce pour ça que Siobhan est encore là, qu’elle n’a pas eu la force nécessaire pour franchir la porte. Il y a comme un fil invisible qui la retient, qui l’attire inexorablement vers Beatriz. C’est étrange, et ça fait tellement peur.
Ses mains s’accrochent à la poitrine, plante les ongles contre sa peau à travers son débardeur. Elle hurle dans sa tête, et ne fait pourtant que murmurer sa douleur. Elle sent des crampes se former dans ses membres, son cœur n’étant pas capable d’envoyer suffisamment de sang gonflé d’oxygène dans tout son corps assez rapidement. Sa respiration est sifflante entre ses dents et derrière ses paupières fermées, les étoiles dansent. Malgré le brouillard dans lequel est son esprit, elle entend pourtant clairement les paroles de Beatriz et sent ses mains contre son ventre. Elle ne tente pas de se débattre, elle n’en a plus l’énergie, plus l’envie. Tout ce qu’elle veut, c’est qu’on la laisse dormir et qu’on ne la réveille pas. Pourtant, ses lèvres s’agitent un instant, et finalement sa voix brisée par la douleur s’échappe.
« I should have known. Elle souffre, tente de respirer profondément et tousse. I like it a little rough, too. But don’t worry, the moment I’m better I’m going to… Elle est obligée de faire une pause pour respirer une nouvelle fois. I’m going to fuck you hard against a wall, and I’m going to make you shout my name. You’ll beg me to stop. And you’ll beg me to continue. »
Elle se tait et continue d’écouter, ne relève pas les paupières. Beatriz est énervée, elle l’entend au son de sa voix. Et pourtant quelque part au fond d’elle, Siobhan est fière de ce qu’elle a fait. Une part d’elle-même est déçue de ne pas avoir tué l’autre femme. Mais c’est une part si sombre, qui se délecte du sang, que Siobhan lui prête rarement attention. Elle l’entend bouger et ses pas s’éloignent. Un petit sourire s’étire sur les lèvres de Siobhan. Enfin. Il lui aura fallu une menace de mort pour que cette femme comprenne qu’elle n’a pas besoin d’aide et qu’elle veut qu’on la laisse tranquille. Quelque part au fond d’elle, elle a l’impression d’avoir réaffirmer sa dominance. Même au bord de la mort, elle est capable de trancher la gorge de quelqu’un. Elle peut baisser les babines et ranger ses crocs maintenant. N’as-tu donc pas honte ? Elle secoue la tête à la négative. Cette voix dans sa tête ressemble étrangement à la voix de sa mère, celle qui chantait des berceuses mais qui regardait sa fille d’un œil sombre et secouait la tête quand elle avait fait quelque chose de mal. Cette femme essaye juste de t’aider Siobhan. Quand vas-tu te laisser aider ? Tu ne peux pas rester seule éternellement. Un jour, tu ne seras plus capable de te relever seule, et tu seras heureuse que quelqu’un te tende la main. Elle secoue la tête encore plus forte et rouvre les paupières. Maman est assise à côté d’elle et la regarde. Siobhan pousse un profond soupir. Ce n’est qu’une hallucination, un monstre tout droit sorti de sa tête. Elle se force à respirer calmement. Elle ne dit rien, elle observe seulement. Elle veut lui répondre que non, elle n’a besoin de personne. Et que si Maman s’inquiétait tant de la voir seule, elle n’aurait jamais dû l’abandonner. Tout est la faute de maman, tout est la faute des dragons, tout est la faute du monde entier. Personne n’est jamais venu la sauver quand elle criait, dans cette rue sombre d’Eko, quand ces trois garçons la brutalisaient et lui volait son innocence, son envie d’aller mieux, sa vie.
« I needed you, and you never came. You never tried to save me. You left me, alone and hurt. »
Sa voix n’est qu’un murmure indistinct, et elle ferme à nouveau les yeux. Quand elle les rouvre, Maman n’est plus là, et Beatriz est à ses côtés. Si elle n’était pas aussi fatiguée, elle roulerait des yeux. Cette femme est tenace, bien trop bornée. Elle aurait pu arriver, trouver son aiguille et du fil, et se recoudre, et aller s’endormir dans son atelier pendant deux ou trois jours, et retourner dans son campement, se battre contre Sekhmet, chasser des oiseaux dont les plumes lui servent à garnir ses flèches, attendre que sa plaie se referme et reprendre le court normal de son existence. Mais non. Evidement. Il avait fallu qu’elle tombe sur cette femme obstinée qui apparemment ne pense qu’à une chose, la soigner. Beatriz n’a pas compris. Elle ne peut pas être soignée, car la plaie qu’elle a sur le ventre n’est que la pointe de l’iceberg. Ce n’est guère la première fois qu’elle et Sekhmet se blesse, et c’est bien plus profond, c’est une haine de l’autre qui les ronge toute les deux et les force à se battre, se blesser, se détruire. C’est des blessures dans sa tête, un dégout d’elle-même, une peur profonde du monde entier. Ce n’est pas son corps qui est blessé. C’est son âme.
Elle attrape les couvertures que Beatriz pose sur elle, d’une main tremblante et les serrent contre son corps. Elle a déjà froid. Chaque fois qu’elle fait un effort physique trop puissant, elle sait les conséquences qui l’attendent. Le petite mort. Elle a l’impression que son corps meurt, une cellule après l’autre, à cause du manque d’oxygène que son corps n’arrive à envoyer. Même si sa respiration est plus calme, elle a encore du mal à prendre son souffle, et son corps est agité de tremblement. Le sang qui sèche lentement sur son visage la dérange, mais elle n’a plus la force de lutter contre. Son esprit tente de s’enfermer dans une coquille, et la voix de Beatriz vibre à ses oreilles et la force à revenir. Elle aimerait lui demander de rester à ses côtés cette nuit, de l’embrasser encore une fois, de continuer à la regarder avec ses yeux qui portent tant de souvenirs hantés. Elle aimerait lui demander de la laisser tranquille, de la laisser partir, de remonter le temps et de ne pas l’avoir soigné. Elle aimerait lui demander de continuer à parler, de continuer à lui murmurer des mots si paisibles, de la rassurer, de la prendre dans ses bras et de lui dire que demain, tout ira bien. Mais elle se tait et ouvre les paupières, posent son regard dans ceux de Beatriz, et les mots ne sont pas nécessaires, car son regard si fragile parle pour elle, et en même temps ne dit rien. Elle reste ainsi de longue secondes, qui s’égrainent lentement, tandis que sa respiration devient plus calme. Et ses yeux redeviennent froids, et elle bouge lentement la tête, de gauche à droite.
« Mon cœur va très bien. Merci pour lui. »
Elle aurait voulu dire autre chose, mais elle a déjà trop dit. Beatriz arrive à percer son armure d’un simple regard, et elle en a peur. Elle veut dormir, mais elle ne veut pas fermer les paupières. Elle lève une main, l’approche de la joue de Beatriz, et s’arrête, en plein mouvement. Elle reste quelques secondes avec la main en l’air. Puis la laisse retomber. Elle prend finalement celle de Beatriz entre ses doigts, avec calme. Ses paupières se ferment. Elle ne veut pas regarder. Et elle embrasse la jointure de chaque doigt, avant de poser ses lèvres sur la marque violacée de ses dents. C’est sa façon à elle de lui demander pardon. Elle lui lâche la main et enroule ses doigts autour d’une méche de ses cheveux, mais elle ne tire pas, elle n’arrache pas.
« Ne vas-tu pas m’embrasser pour chasser les monstres et être sûre que je dorme bien ? »
Sa respiration devient plus profonde, et ses doigts se desserrent autour de ses cheveux. Son visage se détend. Dans sa tête, ses pensées tourbillonnent. Ses lèvres s’agitent. Elle parle avec les voix dans sa tête, prononce des mots qui n’ont aucun sens.
« Il y a quelque chose d’étrange qui vibre dans mon ventre depuis que j’ai posé mon regard sur elle. Elle hoche la tête. J’ai envie de la voir vibrer sous mes doigts. Et murmurer mon nom d’une voix gonflée de plaisir. Beatriz. Même son nom porte la lumière du soleil. Tu n’es pas d’accord ? Elle hoche à nouveau la tête, comme si elle écoutait. Vous avez probablement raison. C’est pour ça qu’elle m’éblouit autant. Je ne suis faite que d’obscurité. Trois. Neuf. Vingt-sept. Quatre-vin… »
Un profond soupir s’échappe d’entre ses lèvres, et sa main tombe contre le sol froid. Un frisson la parcourt, et son esprit s’est tu. Cette nuit peut-être qu’elle ne fera pas de cauchemars. Son corps est bien trop épuisé, et sa tête n’est pas loin derrière. Et tant pis si elle veut fuir, son corps a refusé le combat, et enfin elle s’est endormie.
Beatriz Desio
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Dim 25 Jan - 18:39
« Love is dangerous for your tiny heart, even in your dreams, so please dream softly. »
~ ~ ~
La langue que parle Siobhan lui est à la fois familière et étrangère. Bea est beaucoup de choses, mais une linguiste n'en fait pas partie. Ses collègues se sont plus d'une fois moqués (gentiment, par peur des représailles) de son accent à couper au couteau quand elle tentait de communiquer dans une autre langue que la commune ou celle de sa mère pour les rares patients que la douleur faisaient revenir à leur langue maternelle. Elle se contentait de hausser les épaules. Elle préférait communiquer par gestes. Peut-être une habitude prise avec Dagan. Mais bien qu'elle ne soit pas une assidue des leçons linguistiques, certains mots dans le discours craché par Siobhan l'atteignent plus que d'autres. Fuck. Beg. Stop. Ceux-là, elle les comprend. Elle se mord les lèvres, baisse la tête. Joue un instant avec les manches de son pull, et regarde Siobhan avec un drôle de petit sourire un peu amer.
« Toujours les mêmes discours, pas vrai ? Dans une langue ou dans l'autre. D'un sexe à l'autre. Certains patients sont assez délicats pour y mettre du romantisme. Demander un baiser plutôt que de tirer un coup. Et puis il y a les autres, qui n'ont pas l'excuse de la douleur. Ceux qui vous sifflent et vous suivent dans la rue. Et je leur répond ce que je vous répondrez à vous, Siobhan. »
Elle cesse de jouer et s'agiter, et se fige. Ses doigts sont crispés comme si elle tenait la garde d'une épée invisible. Elle se penche légèrement, et murmure.
« ¡En tus sueños! Je ne suis pas une chose à prendre, mais un être humain à respecter. »
Bea incline la tête, et dans cette légère asymétrie, la colère et l'indignation disparaissent, remplacées par une douloureuse perspicacité qui n'est ni indulgence, ni pardon, mais compassion.
« Mais c'est difficile d'avoir du respect pour les autres, quand on n'en a pas pour soi-même, n'est-ce pas ? »
Sur ces paroles qui ne sont qu'un souffle davantage adressé à elle-même, Bea quitte la scène et tente de reprendre ses esprits loin des projecteurs insoutenables que sont les yeux de Siobhan, qui lui brûlent la peau et lui glacent le cœur, qui la mettent face à ses contradictions et sa propre folie. Elle se demande jusqu'où elle sera capable d'aller avant de juger qu'elle ne peut pas se mettre davantage en danger. Quelle est la frontière entre la prise de risque et l'acte suicidaire. Et si elle la trouve un jour, sera t-elle capable de s'empêcher de la franchir ?
Quand elle revient près de Siobhan (en se traitant de tous les noms intérieurement mais en sachant qu'il est vain d'espérer qu'elle agisse un jour autrement), celle-ci murmure dans son délire, trop bas pour que Bea la comprenne. Elle semble reprendre ses esprits cependant, et ramène sur elle les couvertures qu'elle lui offre. Le sourire de Bea clignote, hésitante luciole. Au moins elle n'a pas essayé de jeter les couvertures dans le feu, une grande première. Un instant, elle croit lire quelque chose dans ses yeux si clairs et si profonds, dont on est trompé par la transparence aqueuse qui cache des puits d'encre. Mais l'impression est aussi fugace qu'illusoire, et son espérance se cogne contre la glace.
« Mon cœur va très bien. Merci pour lui. »
Sale menteuse, songe Bea en silence, mais elle en rit presque maintenant, comme d'une habitude, comme d'une blague partagée, et d'où vient cette sensation partagée avec la plus parfaite inconnue qu'elle avait terriblement envie d'encastrer dans son mur à la suite de sa précieuse huile d'olive il n'y a pas une minute ? Bea n'est certes pas un modèle de constance et de tempérance, mais il semble que ce soit les plus grandes aspérités de sa personnalité se trouvent aux antipodes et aient décidé de se mener une rude bataille...
Elle n'est pas la seule à baigner dans le paradoxe. Les éclairs meurtriers du regard de Siobhan se dissolvent en onde tiède et elle lève une main vers elle. C'est par pur réflexe défensif que Beatriz esquisse un mouvement de recul, peu encline à laisser de nouveau Siobhan approcher de son visage ou de sa gorge. Elle se recule, mais elle ne fuit pas. Observe. La main hésite, renonce, puis se laisse tomber, épuisée, mais sur sa route se raccroche à la sienne. Bea baisse la tête sur leurs mains jointes, les sourcils froncés, mais n'a pas un instant la tentation de briser ce lien. Quand les lèvres de Siobhan se pose sur sa peau, en revanche, son souffle se suspend bruyamment, et ses doigts s'agitent, nerveux, le cœur battant lourd sous la pulpe de ses doigts, puis deviennent complètement immobiles, tétanisés, charmés, quand Siobhan effleure sa blessure. Elle entrouvre la bouche – peut-être pour lui dire d'arrêter, ce n'est pas approprié, pas convenable, pas professionnel, elles ont prit un mauvais pli avec ses baisers échangés à la volée, mais aucun mot ne sort, et contre sa volonté son index se relève pour tracer le contour de la joue de Siobhan tandis qu'elle retire sa main, lentement. La douceur du geste de la jeune femme l'a surprise et émue. À ce point là de la nuit, elle n'espérait pas le moindre signe de gratitude.
« Vous... »
Elle s'interrompt avant de savoir réellement ce qu'elle voulait dire, elle ressentait juste le besoin de briser le silence trop intense, trop plein, trop enclin à la laisser faire des bêtises, mais sa voix échappe à son contrôle quand Siobhan la joue mutine et l'air de rien lui réclame un nouveau baiser. Pendant un instant, trop bref, trop étrange, elle a la vision d'un petit angelot blond aux joues pleines et roses et aux yeux brillants, battant des cils pour réclamer une nouvelle part de gâteau et cette image tremble et devient celle d'une gamine au nez enduit de suie et aux cheveux et yeux charbonneux (il est si bon mama!) et Bea rit, son ventre agité de soubresauts douloureux parce qu'elle retient des sanglots incompréhensibles, des sanglots doux.
« On est un peu gourmande ce soir... »
Bea fronce les sourcils, les yeux de Siobhan sont fermés, sa tête roule sur ses épaules, ses lèvres s'agitent et ses mots s'envolent, sans raison ni sens, Beatriz se rapproche, tente de les recueillir, le bout de ses doigts effleure la tempe de Siobhan, elle tente de la garder auprès d'elle, mais de ne pas la distraire, elle veut écouter son monologue (mais est-ce un monologue?) jusqu'au bout, elle est curieuse, elle aime comprendre, analyser, déchiffrer, elle aime les mystères pour les élucider. Et pourtant elle a assez de sagesse pour comprendre que certaines choses sont plus belles quand elles ne sont pas élucidées. Mais cela ne l'empêche pas d'essayer. Orgueil et entêtement.
« Siobhan ? À qui parlez-vous ? »
Elle ne lui demande pas de qui parle t-elle, son prénom prononcé ne laisse planer aucun doute, et ses joues se mettent à rougir délicatement sous la chaleur des mots de Siobhan, elle n'est pas prude, Bea, et il y a bien longtemps qu'elle n'est plus une innocente jeune fille, mais elle est humaine, sensibilité volcanique et passions exacerbées, elle ne peut empêcher les images invoquées par la voix suggestive de Siobhan d'envahir son esprit. Ce n'est pas la première fois qu'un patient se prend de béguin pour elle – c'est la première fois que l'attachement est si instantané, et si fort, et sa réaction à elle si viscérale. C'est aussi la première fois qu'un patient attiré par elle essaie également de la tuer. Même quand elle croit avoir tout vu...
Le souffle de Siobhan s'apaise tandis que ses mots se meurent, Beatriz lui presse gentiment la joue en appelant son nom, deux fois, mais la jeune femme est endormie, enfin, endormie ou inconsciente, et elle n'a plus à souffrir ce soir. Beatriz reste un instant simplement à la regarder, se demandant pourquoi le pressentiment que sa vie a pris un tournant irrévocable quand Siobhan a débarqué dans sa vie avec la grâce d'un char d'assaut est si insistant, si impossible à ignorer.
« Que vous soyez partie ou non demain ou réveil, je doute en avoir fini avec vous... »
Bea se redresse, s'accorde à peine une seconde d'hésitation avant d'aller remplir d'eau une bassine et de la mettre à chauffer au-dessus du feu. En attendant, elle se retourne dans la salle de bain et s'empare d'une petite bouteille de couleur claire et d'une aiguille. Revenant auprès de Siobhan, elle s'assoit de nouveau, dépose son matériel, fouille dans son sac et en ressort cotons, antiseptique et élastique. Avec une délicatesse toute maternelle, elle allonge le bras de Siobhan sur le sol, place l'élastique pour rendre la veine apparente, nettoie le creux de son bras avec le produit et prépare son aiguille.
« Vous auriez essayé de me tuer pour ça probablement, mais il est hors de question que vous passiez la nuit sans un anti-inflammatoire. »
Sans plus de cérémonie, elle lui injecte la solution dans le bras, puis nettoie la peau et range son matériel, satisfaite du résultat (elle est vraiment très habile de ses mains, les enfants ne se plaignent jamais quand c'est elle qui leur administre leurs vaccins).
« Je devrai sans doute en profiter pour vous assommer avec un calmant si je veux pouvoir dormir tranquille cette nuit... ma bonne conscience finira par me tuer je crois. »
Elle soupire, secoue la tête, mais sa décision est prise. Siobhan a très clairement exprimé son dégoût pour toutes les substances qui, selon elle, la prive de clarté ou de contrôle. Elle ne va pas profiter de son état pour se sentir plus en sécurité. Le médicament, c'est différent, ça elle le refusait par pure obstination puérile, et il ne risque en rien d'affecter ses facultés. Ce qui n'empêche qu'elle sera probablement dans une colère noire quand elle l'en informera demain matin. Mais Bea n'est plus à affronter une colère près dans sa vie.
L'eau enfin tiède, elle amène la bassine près de Siobhan, y trempe un chiffon doux, et entreprend de nettoyer le visage de la jeune femme. Très vite, la bassins et le chiffon sont devenus sanglants, mais sa peau a retrouvé une couleur naturelle, est de nouveau pure et sans tâches. Aucun souvenir de ce cauchemar. Mais ses cheveux sont toujours un nid ensanglanté et le reste de son corps dans un état plus que déplaisant. Beatriz s'arrête là, cependant. Elle ne connaît pas toutes les limites, mais certaines d'entre elles, jamais elle ne les franchira. Elle se relève, ramasse toutes ses affaires, vide l'eau dans l'évier et nettoie chiffon et bassine, se gelant les mains, ne s'en rendant pas compte, trop perdue dans ses pensées. Elle se déshabille lentement, ses doigts sont gourds et fatigués, et enfile son pyjama, une longue chemise d'homme en coton gratté et un pantalon gris de la même matière, ainsi que deux paires de chaussettes. Elle hait le froid. Une fois que ses mains sont protégées par de vieilles mitaines en laine, elle revient aux côtés de Siobhan, ajuste les couvertures autour d'elle, lui glisse un oreiller sous la tête. Dans un élan familier, avec la spontanéité de la fillette, puis de l'adolescente, puis de la femme qui a effectué ce geste année après année pour ses frères, elle se penche pour déposer un baiser sur son front avant d'avoir pu s'en empêcher.
« Bonne nuit, Siobhan. Que sueñes con los angelitos. »
Quand elle se glisse dans son lit et s'enfouit avec un soupir de soulagement sous les couvertures, elle met longtemps à s'endormir, son esprit ne cessant de rejouer les scènes de cette nuit. Quand, enfin, une bienheureuse inconscience l'emporte, son sommeil est agité, et elle ne cesse de se réveiller par à-coups. Quelque chose lui pèse sur la poitrine, quelque chose de terrible, quelque chose comme un destin, quelque chose qui l'empêche de respirer et fait couler des larmes silencieuses le long de ses joues. Ce n'est que lorsque le jour pointe timidement derrière les rideaux qu'il trouve Bea profondément endormie, les joues humides, les poings serrés sur sa bouche entrouverte, son sommeil aussi calme et aussi lourd que celui des enfants.
Siobhan O'Meara
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Dim 25 Jan - 21:08
C’était un sommeil paisible, un sommeil sans rêve. Mais quand son esprit se réveille, tout comme son corps, la seule chose qu’elle sent, c’est la douleur. Elle serre les paupières, et grince des dents. La peau sur son ventre se tire dès qu’elle tente de faire le moindre mouvement et il lui faut plusieurs minutes pour s’habituer. Quand elle commence enfin à sortir du brouillard, elle essaye de comprendre, de se remémorer ce qui s’est passé. Il lui arrive souvent de ne pas se rappeler de ce qui s’est produit la veille, mais une fois que son cerveau se met en marche, tout lui revient comme une vague. Sa dispute avec Sekhmet, et sa rencontre étrange avec Beatriz. Non, la fin doit être du domaine du sommeil, ce n’est pas possible autrement. Et ses paupières s’ouvre pour s’en assurer, et se referme immédiatement contre la douleur qui envahit son crâne lorsque la lumière du soleil assaille ses yeux. Bien plus lentement, elle se force à rouvrir les yeux, et prend conscience de son entourage. Ça n’a rien de familier. Et elle réalise avec horreur qu’il ne s’agissait pas d’un mauvais rêve. Un profond soupir de résignation s’échappe de ses lèvres. Elle bouge un membre après l’autre, s’habitue progressivement à la douleur que chaque mouvement lui procure avant de rouler doucement sur le côté afin de se redresser. Un grognement s’échappe de ses lèvres, et elle reste allongé quelque secondes encore avant de forcer son corps debout malgré le tiraillement dans son ventre. Elle relève son haut et trace du doigt le bord des fils. Il lui faut bien avouer qu’elle n’aurait jamais fait aussi bien, c’est propre et régulier. Sans toucher la plaie en elle-même, elle s’assure que celle-ci n’est pas chaude. Elle n’a aucune rougeur, ni gonflement. Et c’est bon signe. Elle aperçoit sa veste en peau non loin de là où elle était couchée et tandis qu’elle s’en approche pour s’en saisir tout en se frottant les bras pour se réchauffer. Elle serre les dents lorsqu’elle frotte un point douloureux et quand elle regarde, elle voit un bleu s’étendre sur sa peau blanche. En son centre, une petite marque d’aiguille. C’est bien malheureux de vouloir faire des choses en cachette quand on a une patiente dont la peau marque violement. Sa décision de s’en aller est prise, et elle la sait juste (selon ses critères), mais elle a encore une chose à faire, retrouver sa dague, celle qui appartenait à Maman et avec laquelle elle s’est débarrassée de Damien.
Son regard fouille la pièce, mais elle ne trouve rien. Elle se dirige alors vers une autre, dont la porte est fermée. Elle l’ouvre sans bruit, et ce qu’elle voit, elle ne s’y attendait pas. Beatriz est allongée sous les couvertures, en train de dormir, et ses traits sont calmes, et elle est si belle. Siobhan secoue la tête et scrute la pièce de son regard. Elle s’approche d’un sac, qu’elle a vu le soir d’avant, et sans aucune gêne, se met à fouiller à l’intérieur. Et elle est là, la garde incrustée d’une émeraude, la lame tranchante comme au premier jour. Un sourire s’étire lentement sur ses lèvres, tandis qu’elle la glisse sous son manteau, et la glisse dans sa ceinture. Elle tourne le dos au lit et se dirige vers la porte, mais au dernier moment, elle jette un coup d’œil par-dessus son épaule, et se rends compte au moment où elle le fait que c’était une erreur. Elle s’arrête et observe quelque instant. Ses pas la porte jusqu’au bord du lit, de façon presque automatique et elle s’arrête.
Les cheveux devant le visage, la bouche entre ouverte et les traits détendus, Beatriz est magnifique, plus encore qu’elle ne l’était le soir d’avant. Les couvertures se lèvent au rythme de sa respiration, et Siobhan se surprends à se demander si un baiser la réveillerait, parce que c’est exactement ce qu’elle ne veut pas. Comme tout le monde, cette femme (probablement croisée avec une mule) a le droit au repos, et quelque part au fond d’elle, la culpabilité s’allume, parce qu’elle est en partie responsable de cette fatigue, et elle s’en veut. Se faire du mal, elle est d’accord, mais faire souffrir les autres, c’est autre chose. Elle n’a jamais été foncièrement mauvaise, mais quand les gens commencent à ronger ses barrières, elle ne connait qu’un seul moyen de défense. L’attaque. Il suffit généralement de peu, simplement des mots. Mais Beatriz a fait preuve d’un entêtement qu’elle n’a jamais vu. Et comme elle était incapable de s’enfuir, elle a dû sortir les armes. Il s’est écoulé de longues minutes avant que Siobhan ne sorte de sa contemplation. Sa main repousse les mèches qui se sont égarées sur le visage de l’autre femme, et son doigt trace avec douceur le contour de ses lèvres, s’arrête un instant sur la cicatrice, puis caresse sa joue. Qu’est-ce que tu fais encore là, Siobhan ? Elle secoue la tête et sans bruit, elle sort de la pièce sans refermer la porte. Un instant, elle reste devant la porte de l’appartement, n’osant pas l’ouvrir, de peur que celle-ci soit fermée et qu’elle ne puisse s’échapper. Mais quand la voix dans sa tête ricane en la traitait de peureuse, elle se décide, et tourne la poignée. Et s’enfuit, du plus vite que son corps le lui permet, laissant claquer la porte derrière elle.
Quand elle arrive dans la rue, elle soupire de soulagement et ressert sa veste autour d’elle, sous son pull, et sort son écharpe de sa poche afin de l’enrouler autour de son cou. Elle rabat sa capuche sur la tête. Elle a l’impression de tout de suite respirer mieux. Malgré l’heure, il y a peu de monde dans la rue. La panique s’étends dans son ventre quand elle se rend compte qu’elle ne sait pas où elle se trouve, et pourtant, la part rationnelle de son esprit lui dit qu’elle ne peut pas être bien loin du centre de soin, Beatriz n’aurait jamais pu la transporter. Et elle fait la seule chose à laquelle elle pense en cet instant. Elle porte ses doigts à sa bouche et siffle puissamment. Les secondes s’égrainent trop lentement. Elle jette des regards derrière elle, de peur que Beatriz n’apparaissent. Et c’est un son familier qui vient tinter à ses oreilles. Le bruit du trot sur le sol dur. Et ce trot, elle le reconnaitrait entre mille. Un sourire s’étire sur ses lèvres quand la petite jument pie apparait au tournant de la rue, et s’approche d’elle sans ralentir l’allure. Elle s’arrête juste devant la femme, et s’ébroue en douceur. Siobhan lui caresse le chanfrein lentement, avant de poser sa tête contre celle de la jument.
« Tu vas bien. Tu es là. »
Aestria souffle profondément, avant de se frotter contre la jeune femme, qui la repousse gentiment en grinçant des dents. La jument la regarde avec de grands yeux, et Siobhan ne peut s’empêcher de sourire à nouveau. Un rire commence à naître dans sa poitrine, mais elle le contient. Elle continue ses caresses à la jument, tout en lui murmurant des paroles rassurantes. Elle ne sait pas si elles sont pour Aestria ou pour elle, mais elle les prononce quand même. La jument tourne soudainement la tête, les oreilles pointée en avant, et Siobhan suit son regard. Beatriz est en train de l’observer. Elle ne sait pas depuis combien de temps, mais elle est là, son regard noir posé sur elle. Siobhan caresse une dernière fois la jument et s’approche de Bea.
Elle ne prononce pas un mot, le visage fermé. Toute la joie qu’elle éprouvait quelque minute plus tôt s’est envolée. Elle s’approche jusqu’à se retrouver, le visage à quelque centimètre de celui de l’autre femme, ne montrant pas le moindre signe qui indiquerait qu’elle éprouve quoi que ce soit par rapport au respect de l’espace personnel, et plonge son regard dans celui de Beatriz. Elle peut sentir son regard effleurer son visage, et dans son ventre vibre la même sensation que le soir avant. Elle ne sait pas ce que c’est, ne cherche pas non plus vraiment à comprendre. Ses yeux descendent sur les lèvres de Beatriz, et se repose sur son regard. Ses bras entourent sa taille pour se protéger. Elle sait ce qu’elle va lui dire, lui cracher au visage qu’elle s’en va. Qu’elle aurait pu s’en sortir toute seule et qu’elle n’a besoin de personne. Il y a presque un sourire narquois au coin de ses lèvres.
« Je reste. Mais seulement le temps de pouvoir remonter sur Aestria. »
Ce n’était pas du tout ça. Les mots sont sortis de sa bouche sans qu’elle ne puisse les retenir, derrière elle, la jument s’approche, et se cale derrière son épaule, utilisait Siobhan comme bouclier tandis qu’elle observe Beatriz de ses grands yeux bruns où brillent l’intelligence et la douceur. Comme Siobhan a-t-elle pu réussir à laisser ses traits de caractère grandir en Aestria tandis qu’elle était constamment à ses côtés, elle n’en sait rien. Mais peut-être que tout ce qu’elle touche ne finit pas pourri finalement. Peut-être.
« J’ai deux conditions. Il faut que je passe à mon atelier pour récupérer deux, trois choses. J’ai une commande que je dois absolument terminer, et il est hors de question que je prenne du retard. Si ce que j’ai récupéré n’est pas suffisant, j’y retournerais, et je devrais travailler là-bas. Je ne veux pas que vous me surveiller. Si je décide de ne pas revenir, c’est mon choix. La deuxième condition est bien plus compliquée pour vous. Je garde ma dague sur moi. Elle appartenait à ma mère, et il est hors de question que je m’en sépare. Je n’ai pas mon arc, c’est donc mon seul moyen de défense si j’en ai besoin. En contrepartie, je peux bien vous promettre de ne pas vous attaquer, mais je doute que vous me fassiez confiance. »
Elle hausse un sourcil, pour être sûr qu’elle a bien compris. Siobhan lui fait une fleur en acceptant de rester. Ca avait l’air de tellement lui tenir à cœur. C’est elle qui a insisté. Et si ça ne lui plaît pas, elle peut refuser, et Siobhan tournera le dos et s’en ira sans aucun problème.
Beatriz Desio
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Lun 16 Fév - 10:40
"I just kinda like having something that's just, you know, mine." "I am, you know." "What?" "Yours."
x x x
Elle a rêvé d'une femme qui était le soleil. Mais le soleil était froid. La femme-soleil buvait toute la chaleur qu'elle avait en elle et elle se trouvait nue, tremblante et glacée, sous son regard impitoyable, mais toujours elle buvait, et toujours elle avait froid, et elle ne mourrait pas. Je vous en prie, disait Bea, je vous en prie, ne m'en prenez pas tant, ne prenez pas tout, je vous le donnerai, si vous avez froid, je vous le donnerai, mais vous allez trop vite, vous allez trop fort, il ne me reste rien... Tu me donneras quoi ? Tonnait la voix de glace, la voix baignée dans toute la lumière des étoiles, et les yeux verts tuaient, et les yeux verts prenaient, et les yeux verts imploraient. Le feu, souffla Bea, claquant des dents, ses bras serrés contre ses seins dans un dérisoire espoir de conserver un peu de chaleur, de se dissimuler au soleil révélant tout, je vous donnerai le feu. La femme-soleil secouait la tête, tendait la main, et ses yeux pleuraient de l'or. Dis-le, suppliait-elle, dis-le nom du feu, dis son nom, dis-le...
L'amour ?
Bea se redresse sur son lit avec un cri étranglé, au moment où sa porte d'entrée claque violemment. Le corps baigné de sueur – sensation étrange quand elle avait si froid dans son rêve – elle pose une main sur sa poitrine et tente d'apaiser sa respiration. Dedans, dehors. Faire ralentir son cœur palpitant comme un oiseau fou. Dedans, dehors. Elle tourne la tête vers la cheminée dont la flamme est à présent dérisoire, cherchant fébrilement sur le sol la femme qu'elle a ramené chez elle hier soir dans un moment de folie et d'hubris médical. Avant même que ses yeux ne rencontrent le vide, elle sait ce qu'elle va trouver. Ou plutôt ce qu'elle ne va pas trouver. Siobhan est partie.
Ce n'est pas tant une surprise qu'une déception. Bien sûr, on ne peut pas sauver tout le monde. Bien sûr. Mais Beatriz a beau se répéter ces mots faits pour se rassurer, elle ne parvient pas à les croire. Elle a toujours pensé que ceux qui les prononçaient n'essayaient tout simplement pas assez fort. D'un geste absent elle porte la main à sa gorge, là où reste inscrite la fine marque du poignard, affectueuse signature. Promesse. S'être presque laissée tuer par une parfaite inconnue pour le seul crime d'avoir voulu lui venir en aide devrait, idéalement, être précisément la définition d'avoir essayé assez fort.
Bea soupire.
Et balance ses jambes hors du lit pour se lever sans plus de cérémonie.
Rapidement, elle enfile couche de vêtement sur couche de vêtement (le froid ressenti dans son rêve lui fait craindre celui du dehors, elle qui n'est toujours pas parvenu à l'apprivoiser), se passe un coup d'eau sur le visage pour chasser dernières traces de sueur et sommeil, tente de débroussailler ses cheveux mais renonce au premier coup de peigne, puis finalement sort, emmitouflée dans son blanc manteau en renard polaire. Elle doit cligner des yeux à plusieurs reprises face au soleil qui l'agresse de ses rayons, mais finalement la scène se dessine devant elle. Inattendue. Émouvante. Bea regarde Siobhan caresser et parler à la jument comme si elles étaient seules au monde, montrant une affection et une tendresse qui jurent incroyablement avec les répliques acerbes et tentatives meurtrières d'hier soir. Deux visages de la jeune femme difficiles à concilier. Mais cette part révélée lui prouve (mais elle n'avait pas besoin de preuve) que Siobhan valait la peine d'être sauvée. Il y a toujours quelque chose de beau chez quelqu'un, pourvu que l'on creuse suffisamment. Pourvu que l'on sache se montrer patient. Elle ne s'est pas rendue compte du temps qui est passé tandis qu'elle restait plantée là, devant sa porte, un sourire attendri sur les lèvres, à contempler la douce réunion devant ses yeux, mais suffisamment pour que sa présence se fasse sentir et que d'un même mouvement Siobhan et la jument pie tournent la tête vers elle. Bea ne se raidit pas, ne fait pas demi-tour, ne tente pas de parler. Elle regarde simplement Siobhan s'approcher, la tête légèrement penchée, avec curiosité. Même quand celle-ci lui adresse encore un regard noir avec ses yeux verts. Même quand elle se trouve assez proche pour l'étrangler. Elle atteint, sereine, l'insulte ou l'éclat. Elle est aussi surprise que Siobhan des mots qui sortent de sa bouche, et ses propres lèvres s'ouvrent sous la stupeur.
La jument s'approche et appuie sa tête contre l'épaule de Siobhan, et Bea se plonge un instant dans ses yeux à la fois confiants et craintifs. Elle sourit. Puis se retourne vers Siobhan avec des yeux qui brillent, écoutant avec un amusement émerveillé cette femme qui se décide soudain à accepter son aide mais déforme ses mots pour se convaincre qu'elle ne fait que se montrer magnanime. Qu'importe ce qu'elle pense, ou les mensonges qu'elle doit se dire pour se persuader de rester. Elle l'a choisi, c'est tout ce qui compte.
Siobhan attend sa réponse, maintenant. Peut-être a t-elle délibérément choisi ces deux conditions parce qu'elle savait qu'elles seraient difficiles à accepter pour Bea. Ne pas s'en mêler, et remettre sa vie entre ses mains. Rien de moins.
Avec un sourire serein, elle hoche la tête et lève une main pour gratter le chanfrein de la jument, qui s'est enfin décidé à passer sa tête par-dessus l'épaule de Siobhan.
« D'accord. »
C'est aussi simple que cela. Bea ne fait aucun commentaire sur les conditions données, et se contente d'ajouter avec un sourire en coin:
« Mais si vous restez chez moi, vous acceptez les règles de ma maison. Pas de chaussures à l'intérieur, on participe pour la vaisselle, et surtout on accepte de prendre ses médicaments pour guérir plus vite. Je vous promets qu'aucun d'eux n'entamera vos facultés de réflexion ni ne vous causera le moindre relâchement d'attention ou perte de contrôle. Vous n'avez pas eu de problème avec celui que je vous ai administré hier soir, pas vrai ? Et au moins... »
Elle fait glisser sa main du cheval à la femme, à peine un effleurement contre son front.
« La fièvre semble être tombée, »chuchote t-elle à mi-voix.
Elle tourne le dos à Siobhan, et passe le pas de la porte. Vilaine, vilaine Bea. Qui manie la moquerie et la sollicitude comme la couturière son aiguille. Précise. Efficace. Pour créer et non défaire.
« Oh, si vous voulez vous pouvez laisser votre jument avec la mienne, il y a deux boxes de libre derrière. Je vous attends pour dîner. J'espère que vous aimez la viande. »
Elle ne montre aucun doute sur le retour de Siobhan. Elle jette un dernier coup d'oeil à la jument et sa maîtresse, aux cheveux enflammés par le soleil, or brûlant, et elle frissonne, repensant à son rêve. Mais c'est sur un dernier sourire qu'elle déclare:
« À ce soir. »
Avant de se réfugier au chaud chez elle.
Quand le soir vient quelques heures plus tard, Bea est accroupie sur ses pieds nus (à l'exception des bas) à surveiller le bœuf bourguignon qui mijote dans la cheminée. Avec ces pannes d'électricité sur la ville elle n'a d'autre choix que de le faire à l'ancienne. Elle est heureuse d'avoir retrouvé dans sa ridicule cave une excellente bouteille de Marsannay de Bourgogne, et l'a versé allègrement dans la recette, au point qu'il n'en reste qu'un fond, à peine suffisant pour deux verres chacune. Comme l'ont toujours dit ses frères, ce n'est pas qu'elle ne sait pas cuisiner, c'est qu'elle a des goûts étranges qui ne plaisent pas toujours à tout le monde. Et qu'elle a la main lourde sur les ingrédients. Surtout les épices. Mais elle s'est retenue pour ce premier repas. Maintenant que Siobhan a décidé de rester, il ne faudrait pas la faire fuir par sa cuisine.
Elle se passe une main dans les cheveux laissés libres sur ses épaules, et ajuste sa robe en se redressant. Cela fait un moment qu'elle n'a pas eu l'occasion de bien s'habiller (cela fait un moment qu'elle n'a pas eu d'invité chez elle). La robe reste simple dans la forme, manches courtes légèrement bouffantes aux épaules, l'ourlet juste au-dessous des genoux, un sage col claudine, mais audacieuse dans la couleur, un beau rouge coquelicot, et par la fente entre ses seins qui laisse apercevoir l'ombre d'une dentelle noire.
Eddard est venu lui rendre visite après le départ de Siobhan. Histoire de s'assurer qu'elle était toujours en vie (elle, pas la patiente). Il n'avait pas pu s'empêcher de faire un commentaire sur sa tenue. « On dirait que le contact est passé entre vous... » Bea s'était empressée d'enrouler un foulard autour de sa gorge pour dissimuler le collier rouge sang qui avait été laissé en souvenir, et avait espéré que le maquillage était suffisant pour ne pas attirer l'attention sur sa joue marquée. « Juste parce que c'est la première fois que tu vois une femme en robe, Eddard, ce n'est pas une raison pour être émoustillé. » « Ce n'est pas moi qui va être émoustillé si tu vois ce que je veux dire... » Elle l'avait chassé sans plus de façon, se retenant de justesse de ne pas lui mettre son pied aux fesses.
Et à présent, elle est assise sur son lit, un lourd volume médical sur les genoux, lunettes sur son nez, essayant désespérément de se concentrer sur les mots et non sur le nœud qui lui serre le ventre, attendant la venue de Siobhan.
Siobhan O'Meara
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Lun 16 Fév - 21:08
Siobhan se tait, Siobhan ne dit rien et observe. Elle penche la tête sur le côté pour laisser l’encolure de la jument, qui tend le nez vers Beatriz, curieuse. Aestria a toujours su juger les gens. Elle ne se laisse pas amadouer par un sucre ou un peu de grain. Et Siobhan se tends quand Beatriz la caresse. Aestria qui ne se laisse généralement pas vraiment approché, trop farouche, trop sauvage. Elle est un peu comme Siobhan au fond, elle craint le danger, et pourtant n’hésite pas à se battre quand elle ne peut fuir. Et c’est pour cette raison qu’elles se comprennent si bien. Et pourtant, la jument reste bien en sureté derrière Siobhan, protégée par celle qui n’hésitera pas à lever sa dague pour cet être qu’elle a vu grandir. Elle s’attends a un refus de la part de Beatriz, quelque chose qui lui permettrait de s’échapper. Elle n’a pas voulu dire qu’elle resterait, et maintenant elle cherche une échappatoire. Confie-moi ta vie, et laisse-moi vivre la mienne. Elle ne s’attend pas à ce que Beatriz accepte. Et son regard se perd quelque part au-dessus de l’épaule de l’autre femme quand son d’accord résonne à ses oreilles. Elle secoue la tête à la négative quand elle entend les conditions de Beatriz. Elle n’accepte pas, mais ne refuse pas non plus. A dire vrai aucun son ne sort de sa bouche, mais ses mâchoires se crispent et ses paupières battent lorsque la main de Beatriz effleure son front. Une part d’elle réclame plus de contact et elle fait un pas en avant pour suivre Beatriz. Mais cette part d’elle-même plus terre à terre repousse l’idée et ne dit rien, ferme a bouche et serre les dents, et quand Beatriz disparait, Siobhan se tourne vers sa jument et pousse un long soupir, d’un souffle qu’elle ne s’est même pas rendue compte qu’elle retenait.
Elle a taillé dans le bois tout l’après-midi, grossièrement. Elle ne tente pour l’instant pas d’avoir quelque chose de précis. Elle ne veut pas se mettre à l’arc qu’elle doit absolument terminé, car elle a besoin de concentration, et pour l’instant son esprit est ailleurs, vers cette femme allumette qui a embrasé son sang en un regard. Une douleur vive lui traverse la main lorsqu’elle s’ouvre la paume avec un de ses outils. A trop avoir l’esprit ailleurs, voilà ce qu’on récolte. Mais les yeux noirs de Beatriz la hante, tout comme ceux de maman, et elle peut entendre très distinctement ce que Sekhmet lui dirait si elle était là. Oh comme elle rigolerait d’elle, la dragonne. Elle lui dirait qu’elle s’est amourachée d’une étrangère, elle la parfaite solitaire qui n’a besoin de personne. Mais Siobhan ne sait pas ce que veut dire s’amouracher. Elle ne connait pas ses termes qui font battre le cœur des gens. Le sien ne bat pas. Elle entoure rapidement sa main d’un épais tissu et commence à réunir les affaires dont elle a besoin. Quelque chose en elle s’agite quand elle pense à Beatriz et à retourner auprès d’elle. Elle ferait peut-être mieux de ne pas y aller, de fuir, comme elle le fait toujours quand elle sent du danger. N’est-elle pas censée être le danger pourtant ? Ses doigts caressent ses lèvres absentement en repensant à celles de Beatriz, c’est tellement stupide et pourtant, elle a envie de pouvoir sentir leur douceur à nouveau contre les siennes. Elle secoue la tête et finit par se décider à se changer. Elle enfile un haut crème, avec un col en v qui descends jusqu’à la naissance de ses seins, sans être vulgaire, et sans en dévoiler trop, et enfile une paire de jean qui moule bien trop ses formes pour être acceptable en publique. Puis elle enfile plusieurs couches de pull, réajuste sa veste autour d’elle. Elle remonte ses lunettes sur son nez, elle en aura probablement besoin pour travailler et n’a pas l’envie de les ranger alors que toutes ses affaires sont prêtes. Elle ajuste son sac sur le dos, et commence son rituel pour pouvoir fermer son atelier. Son ventre la fait souffrir, mais elle ne s’en était pas rendu compte. Elle sent ses muscles trop tendus tirer sur les points de suture à force d’avoir été penchée sur son travail. Après avoir vérifié neuf fois qu’elle a bien tout fermés et tout ranger, elle part dans la nuit tombante et le froid glacial.
Voilà plus de dix minutes qu’elle fait les cents pas devant le studio de Beatriz, n’osant pas entrer. Que doit-elle faire, toquer et attendre qu’on vienne lui ouvrir, ou rentrer sans prévenir. Pourquoi es-tu revenu, lui demande une voix dans sa tête. Va-t’en, lui crie une autre. Vas-y, réclame une voix d’enfant.
« Taisez-vous. »
Et finalement elle toque à la porte et rentre dans le studio, les yeux rivés au sol. Il fait une chaleur étouffante dans la pièce. Se débarrassant de ses bottes, elle les pose à côté de la porte d’entrée, les remet plusieurs fois en place jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite, puis se défait de son manteau. Elle tourne obstinément le dos à la pièce tandis qu’elle ôte les deux pulls qu’elle porte. Elle pose son sac à coté de ses bottes et se retourne. Et prends enfin conscience que Beatriz se trouve dans la même pièce qu’elle. Et porte une robe. Elle déglutit lentement tandis que ses yeux tracent chaque contour du corps de la jeune femme avant de revenir se poser sur ses yeux. Elle croise les bras au-dessus de sa poitrine pour cacher son décolleté qui finalement en laisse apparaitre bien trop pour son goût.
« Vous attendez quelqu’un ? »
Il y a une légère déception dans sa voix. Evidement Siobhan, qu’une femme comme ça voit des gens. Elle n’allait pas passer sa nuit à t’attendre désespérément en espérant que tu reviendrais lui tenir chaud cette nuit. Ses bras tombent contre ses flancs et elle recule d’un pas vers la porte, hésitante. Beatriz a peut-être mis une robe pour elle. Elle ferme les paupières un instant et s’approche finalement de Beatriz. Elle s’assied sur le lit à ses côtés et ne dit rien. Elle est tellement belle que s’en est à couper le souffle. Elle rêverait d’entendre des mots tels que : je t’attendais toi. Mais personne ne l’attends jamais, elle. Elle n’est la bienvenue nulle part. Insciemment, elle réajuste ses lunettes sur son nez, et ses doigts quitte son visage pour aller tracer le contour des lèvres de Beatriz. Siobhan n’a jamais eu conscience des distances qu’il fallait respecter avec les gens, la notion d’espace personnel n’est pas quelque chose qu’elle connait réellement. Et sans le vouloir son corps se tends et se rapproche de celui de l’autre femme. Sa main gauche continue de caresser les lèvres de Beatriz avec douceur, tandis que sa main gauche trouve le genou de la brunette. Repousse-moi. Elle supplie silencieusement. Fait moi fuir. Mais ses lèvres parlent et sa voix dit autre chose.
« Embrasse-moi. Elle peut sentir le souffle de Beatriz contre sa peau. S’il te plait »
Elle a besoin de ressentir quelque chose. Et cette femme, d’où qu’elle vienne, à allumer une étincelle dans son corps. Une étincelle qui refuse de s’éteindre. Vous êtes belle, elle veut lui dire. Elle veut la toucher, et ses doigts caressent son genou, dessine distraitement un art qui n’appartient qu’à elle. Fuis, crie une voix dans sa tête. Mais elle reste. Elle reste et elle se noie dans les iris charbonneuse de Beatriz.
Beatriz Desio
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Mar 24 Fév - 16:48
You're so bad but I want a taste. A little taste you have, come on over Right now, take me down. I want your poison.
x x x
Quand Siobhan frappa enfin à la porte d'entrée, Beatriz avait depuis longtemps abandonné toute velléité de travail et se trouvait dans la salle de bain, tentant désespérément de discipliner ses cheveux récalcitrants à l'aide de ses doigts. Bien évidemment, aucune mèche ne semblait vouloir coopérer. Pourquoi avait-il fallu que toute leur fratrie hérite de la chevelure épaisse et impossible à coiffer de sa mère ? Et pourquoi s'acharnait-elle ainsi sur son apparence ? Bea avait toujours été une femme plutôt confiante en ses charmes. Ou tout simplement elle prenait ce qu'elle voulait sans prêter attention outre mesure à l'élégance de sa tenue, la perfection de son maquillage ou au fait que son métier l'obligeait toujours à avoir des ongles courts, ce qui lui donnait des mains d'ouvrier, selon Rufio (mais comme il était en général un sale menteur qui adorait la mener en bateau elle ne tenait pas compte de son avis). Alors pourquoi ce soir ne pouvait-elle s'empêcher de s'agiter fébrilement devant sa glace ? Qu'y avait-il donc chez Siobhan de différent au point qu'elle se mette à agir d'une façon tout à fait inattendue, comme si elle voulait... Comme si elle voulait l'impressionner.
Elle était tellement perdue dans ses pensées et ses dilemmes irritants qu'elle sursauta violemment en entendant la porte s'ouvrir et se fermer. Manifestement, elle n'avait pas entendu Siobhan frapper. Et manifestement, celle-ci ne l'avait pas attendue pour entrer. Bea avait à la fois envie de sourire et de froncer les sourcils devant ce manque de civilité. D'un côté cela voulait dire que Siobhan se familiarisait avec les lieux au point qu'elle finirait peut-être de se sentir à l'aise, mais de l'autre elle envahissait son espace sans prévenir et Bea était un peu du genre territoriale. Mais elle calmerait la lionne en elle, ce soir.
Elle prit une grande inspiration – comme avant d'entrer dans la salle d'opération pour un cas délicat, comme avant de prendre la parole devant le conseil de la Maison des Soigneurs – et se tourna vers son invitée. Celle-ci était occupée à ôter ses chaussures et ses pulls, et ne l'avait pas encore vue. Doucement, Bea s'approcha, silencieuse, furtive sur ses pieds nus à l'exception de la fine soie de ses bas, et en profita pour admirer Siobhan avant que les yeux de celle-ci ne se posent enfin sur elle et que Beatriz ne soit plus capable de ce calme détachement qu'elle parvenait encore à convoquer.
Elle marcha jusqu'à son lit et s'y percha délicatement, jambes croisées, mains posées sur son genou, le lourd volume médical laissé ouvert enfonçant le coin de sa couverture en cuir dans sa hanche. Bea ne prêta aucune attention à se léger inconfort, préférant sourire à la vision de Siobhan avec ses lunettes. Elle avait l'air tellement plus jeune ainsi. Tellement plus douce aussi.
Ce ne fut que lorsque Siobhan se tourna enfin vers elle que Bea se rendit compte qu'elle s'était contenté de la regarder tandis qu'elle se débarrassait de ses affaires, et n'avait aucunement dit le moindre mot pour l'accueillir. En vérité ? Elle avait la gorge nouée. Elle se sentait... Intimidée. Intimidée, elle, Beatriz Desio. Elle qui était probablement le cauchemar de la moitié du staff au centre de soins. Elle qui pouvait calmer trois garçons adolescents attardés d'un seul de ses regards noirs. Elle qui soignait des dragons. Elle était intimidée. Elle aurait volontiers croiser les bras sur sa poitrine dans un geste de rejet et ricané contre sa propre stupidité, mais les yeux verts de Siobhan immobilisèrent son corps tandis qu'elle se faisait dévisager avec une passion dévorante qui la fit frémir. Et exulter.
« Vous attendez quelqu’un ? »
Elle fronça les sourcils, un sourire perplexe flottant sur son visage, hésitant entre le rire et la consternation. Était-ce une tentative d'humour de la part de Siobhan ou une réelle question ?
Les vagues de tristesse qui agitaient l'écume verte de son regard répondirent à sa question.
Beatriz la laissa cependant venir jusqu'à elle et s’asseoir également sur le lit avant de parler. Elle laissa un léger suspens s'installer, son expression insondable, son regard lointain.
« En effet. »
Bea se retourna vers Siobhan et posa une main légère sur la sienne, avec un sourire plein d'ombres prometteuses.
« Et je crois qu'elle est arrivée. »
Et l'ombre devint lumière. Puis brasier quand les doigts de Siobhan se mirent à caresser ses lèvres. Comme à chaque fois que la jeune femme l'avait touchée, elle ressentit d'abord cet élan de désir, charnel, impérieux, incompréhensible, incontrôlable, qui lui fit légèrement entrouvrir les lèvres et presque embrasser les doigts goûtant à sa peau avec curiosité. Ses paupières vacillèrent, et un soupir à peine audible lui échappa quand la main de Siobhan se posa sur son genoux, effleurant à peine l'ourlet de sa robe qui était remonté sur ses cuisses quand elle s'était assise. La chaleur de sa paume la fit frissonner.
« Siobhan... »
C'était le moment où la partie rationnelle de son cerveau commençait enfin à émerger sous sa sensualité envahissante. Le moment où la folie qui la possédait au contact de la chair de Siobhan allait enfin s'arrêter, le moment où elle allait pouvoir...
« Embrasse-moi. S'il te plaît. »
Ce n'est pas bien, hurlèrent toutes les voix censées dans sa tête, celles qui lui avaient fait éviter les histoires tordues, les désillusions, les situations toxiques. Celles qui l'empêchaient aussi de vivre parfois. Ce n'est pas bien – Mais Bea posa sa main sur la joue de Siobhan. Ce n'est pas bien – Mais Bea ferma les yeux et prit l'index taquinant sa bouche entre ses lèvres, le libérant après une légère succion et une tendre baiser, juste sur la pulpe du doigt. Ce n'est pas bien – Mais sa main alla se perdre dans les boucles blondes, attirant Siobhan vers elle, jusqu'à ce que leurs nez se touchent, leurs souffles se mélangent, jusqu'à ce que sa bouche frôle la sienne, jusqu'à ce que...
Elle ouvrit les yeux. Inspira. Exhala en douceur. Comme un râle d'agonie. Elle ne pouvait pas faire ça (n'est-ce pas?). Siobhan était plus ou moins sa patiente. Elle avait plus ou moins essayé de la tuer. C'était une inconnue, un danger, une menace pour sa vie tranquille et ordonnée, c'était...
(un soleil de glace)
C'était...
(une lune de feu)
C'était...
(le début de sa mort)
C'était...
(le nectar de la vie).
Bea soupira, et déposa un baiser doux et humide au coin des lèvres de la jeune femme, puis posa son front contre le sien, sa main caressant la crinière dorée.
« Et si on dînait, d'abord ? Vous avez besoin de prendre des forces. Et j'ai fait des efforts extraordinaires pour m'assurer que vous n'allez pas vous empoisonner avec ma cuisine. »
Sa tentative de légèreté après la scène très intense qui venait de se dérouler entre elle était bien faible, mais elle réussit enfin à s'arracher à Siobhan, et à se lever, ajustant sa robe, ses cheveux, n'importe quoi pour tenter de se recentrer, retrouver ses esprits, retrouver son bon sens et tout ces...
Oh oh.
Elle avait dit « d'abord », n'est-ce pas ?
Même sa bouche la trahissait.
Enfin, si elle parvenait à contrôler ses pulsions pendant tout un repas... elle pourrait déjà considérer cela comme une victoire. Petite victoire.
Elle se retourna vers Siobhan en arborant le masque de la parfaite hôtesse de maison, sourire convivial, posture élégante, trahie seulement par ses yeux qui abritaient des tempêtes électriques.
« J'espère que vous aimez la viande. »
Madre de Dios. Pourquoi sa voix se décidait-elle soudainement à se faire basse et voluptueuse sur ce genre de réplique fort tendancieuse ?
Dans un mouvement précipité contredisant la contenance dont elle avait essayé de faire preuve, Bea invita Siobhan à la rejoindre à table.
« Est-ce que... votre cicatrice ne vous fait pas trop mal, j'espère ? »
x x x
Don't stop, I haven't had enough. You're mine, 'til the sun comes up.
Dernière édition par Beatriz Desio le Mer 25 Fév - 21:53, édité 1 fois
Siobhan O'Meara
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Mer 25 Fév - 21:31
« Baby, wanna touch you, I wanna breathe into your well. See, I gotta to hunt you, I gotta bring you to my hell. Baby, I wanna fuck you, I wanna feel you in my bones. »
Les mots de Beatriz font battre son cœur plus vite. Mais elle refuse d’y croire. La part de son esprit qu’elle croit sur parole depuis trop d’année lui fait clairement comprendre qu’il s’agit d’un mensonge. Elle aimerait tellement que ces mots soient vrais, mais ils ne peuvent pas l’être, parce que personne n’a jamais voulu d’elle nulle part. Même Maman a fini par la chasser, son propre sang. La chaleur de la main de Beatriz semble raffermir ses propos. Mais elle ne veut pas avoir d’espoir. L’espoir lui a toujours fait bien trop mal, et finalement, elle ne sait plus vraiment ce que veut dire ce mot. Les lèvres de Beatriz sont douces sous ses doigts. Elle aimerait tellement pouvoir les sentir à nouveau contre les siennes. La façon dont elles s’ouvrent sous ses caresses, de façon si sensuel, font gronder son ventre de ce sentiment qu’elle ne comprend toujours pas. Son nom qui franchit les lèvres de Beatriz la fait frissonner, et elle imagine ce même mot s’échapper de sa bouche dans un soupir de plaisir. Le self control dont elle fait preuve pour ne pas laisser glisser sa main plus haut le long de la jambe de Beatriz l’étonne elle-même. Ses paupières vacillent quand Bea lui caresse la joue, son souffle se coupe un instant et ses lèvres s’ouvrent lorsqu’elle embrasse son doigt, et son ventre brule quand Beatriz l’attire vers elle, la main dans ses cheveux, ses ongles effleurant son crâne d’une manière qui fait vibrer son corps. Et quand Beatriz l’embrasse au coin des lèvres, un froncement de sourcil vient montrer son incompréhension. Pourtant elle en a envie, si Siobhan sait lire les signes. Mais peut-être que comme tout le reste, c’est aussi un mensonge. Peut-on vraiment faire mentir son corps ? Une légère gêne grignote du terrain dans son bas ventre, et un soupire de frustration s’échappe d’entre ses lèvres lorsque Beatriz se lève et s’éloigne d’elle. Elle fronce une fois de plus les sourcils quand Beatriz parle de nourriture et d’empoisonnement dans la même phrase. Elle care les épaules et serre les lèvres. Elle penche la tête sur le côté et jette un rapide coup d’œil a la porte. Elle peut fuir si elle en a besoin. Et pour l’instant, elle en a envie. Elle ne veut rien avaler de ce que Beatriz a pu faire à manger, sa méfiance reprends le dessus. Elle n’était pas vraiment très loin, et elle lui est très familière. Et si Beatriz mentait ? Si elle avait vraiment mis quelque chose qui pourrait l’empoisonner dans la nourriture, ou pire, quelque chose qui serait susceptible d’agir comme calmant. Elle ferme les yeux pour pouvoir calmer sa respiration, sa main frôle la garde de sa dague pour se rassurer. La façon subjective de Beatriz de prononcer les mots qui suivent les font relever la tête, et son ventre a pris un wagon pour un grand huit. Elle se lève brutalement, et reste droite, campée sur ses deux pieds, et elle ne bouge pas.
« Tu verras Siobhan. Tu comprendras. Je sais que pour l’instant c’est dur pour toi, mais un jour, tu aimeras Damien, j’en suis sûre. » La jeune femme agite la tête de gauche à droite, et ses yeux restent perdus dans le vague, comme toujours depuis quelque années. « Tu dis non maintenant, mais tu verras, my love. Ça ne commencera probablement pas par de l’amour. Mais par quelque chose de différent, d’intense, de fort. On appelle ça le désir. » Les yeux de Siobhan vacille, se pose un instant sur sa mère et reprends l’observation du mur qui se trouve en face d’elle. Elle ne comprend pas les mots que sa mère prononce. Pourtant, celle-ci continue, comme si de rien était. « Ta peau sera comme brulée à chacun de ses contacts, son corps entier vibrera de l’envie de sa peau. Son odeur te fera tourner la tête. Et dans ton ventre s’allumera un brasier. Un feu qui ne peut être éteint que par lui. Et tu en voudras plus, toujours plus. » Une vague de nausée la prends soudainement. Elle a envie de vomir en imaginant les mains de Damien sur son corps. Mais elle ne laisse rien paraitre. Elle laisse ses paupières se fermer, bloque les images qui envahissent son esprit, et compte, encore et encore, jusqu’à ce que les voix se taisent, que les souvenirs s’évaporent. Et elle attend, elle attend que la vie passe.
Ses yeux s’ouvrent à nouveau, et elle regarde Beatriz, ses yeux caressent ses formes. Et en imaginant ses mains sur son corps, son ventre brule. En imaginant ses lèvres contre les siennes, son corps vibre. Elle en loupe presque la question de Beatriz.
« Je ne sais pas. »
Elle aurait voulu mentir, lui dire que non. Mais son esprit est ailleurs, dans cette nouvelle compréhension. Et puis, à quoi bon. Elle n’en sait rien. Parfois la douleur la dévore, et soudain elle s’arrête comme si elle n’avait jamais exister. Elle n’a jamais été très douée pour comprendre et ressentir son corps. D’une main distraite, elle touche son ventre, mais ses yeux restent posés sur le dos de Beatriz. Et soudain, son corps se met en mouvement, comme muée par une force invisible, la même qui l’attire vers Bea, dont la voix à l’accent du soleil fait des merveilles à son corps. Ses mains glissent autour de la taille de l’autre femme, et l’attire vers elle. Ses lèvres se posent contre la peau mate de la nuque de Beatriz. Elle n’a pas faim. Et il lui semble qu’en ce moment, la seule chose qui peut la nourrir est les soupirs de Beatriz, qu’elle ne pourrait respirer si ce n’est l’odeur de l’autre femme. Elle attrape les hanches de Beatriz et la retourne, pour qu’elles soient en face l’une de l’autre. Et ses lèvres capturent celle de l’autre femme, si tentatrice. Sa main se retrouve perdue dans les cheveux de Bea. Elle respire son souffle, absorbe son odeur. Elle se recule, laisse son front se poser sur l’épaule de Beatriz, et embrasse son cou, avant de laisser ses lèvres remonter jusqu’à son oreille, qu’elle prend entre ses dents.
« Je suis sûre que tu as du y passer du temps. Mais je ne peux pas. Pas maintenant. J’ai besoin…I want you. »
Elle soupire contre sa nuque et capture à nouveau ses lèvres, elle laisse la main qui n’est pas occupée à courir dans les cheveux de Beatriz, se perdre dans son dos, caresse et griffe avec légèreté, descends jusqu’à ses reins.
« I want you so much. »
Et ses lèvres reprennent leurs assauts sur la peau du cou de Beatriz, embrasse chaque parcelle qu’elles peuvent atteindre, morde avec délicatesse, Et cette odeur, cette douceur, cette peau allume un braiser dans son ventre. Et la rendre folle. Plus folle qu’elle ne l’est déjà.
Beatriz Desio
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Sujet: Re: ✗ Find a penny pick it up, all day long you’ll have good luck Mer 25 Fév - 23:36
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Elle babille, elle bredouille, elle raconte n'importe quoi, et Siobhan lui prête une attention à la fois distraite et pressante. Distraite, parce qu'elle n'est absolument pas venue pour endosser des civilités mondaines. Pressante, parce qu'elle suit chacun de ses pas et chacun de ses gestes, se délecte de tout mouvement de son corps avec une voracité effrayante. Le cœur de Bea bat à tout rompre alors même qu'elle enchaîne sourires et platitudes (sourires toujours authentiques, platitudes toujours sincères, mais nerveuses, forcées, inquiètes), et elle volette dans la pièce, elle s'agite, oiseau fou, oiseau fou non parce qu'il est en cage, mais parce qu'on vient de lui ouvrir la porte, parce que les yeux de Siobhan lui promettent une liberté violente, une envolée sauvage, lui promettent des passions intenses qui la laisseraient brisée et exsangue, privée de toute chaleur et de toute raison. Brisée. Ou enfin vivante ?
Elle exhale un souffle tremblant et manque de faire tomber une assiette sur le sol. Les yeux écarquillés, si noirs qu'ils avalent la lumière, Bea se tourne vers Siobhan, qui vient de se lever d'un geste brusque, et se tient debout, immobile, les yeux fermés. Elle pose l'assiette sur la table, et fait un pas en avant, se ravise, se tord les mains, inquiète.
« Siobhan ? Est-ce que... tout va bien ? »
La jeune femme ouvre les yeux, et son regard est plus féroce, plus vorace que jamais. Bea frissonne et fait un pas en arrière. En avant, en arrière. Un jeu. Un jeu dont les règles lui sont encore inconnues. Un jeu qui promet mort et merveilles. Je ne sais pas, répond Siobhan, et c'est Bea qui ne sait pas à quelle question elle répond, celle sur sa cicatrice ou celle sur sa soudaine absence. Elle fini par lui tourner le dos (grossière erreur, jeune humaine, aurait grondé Mire, ne t'ai-je donc rien appris?) et s'affairer de nouveau autour de la table, tentant d'ignorer l'imposante présence de Siobhan derrière elle.
Il faut qu'elle l'ignore.
Il faut qu'elle réajuste les règles. Il faut qu'elle redistribue les rôles. Mais elle ne sait pas quel rôle lui a été assigné et s'il est possible de donner des règles à ce jeu. À vrai dire, elle est sûre que les règles en sont bannies.
« Oh ! »
Elle ne peut empêcher la légère exclamation de lui échapper quand les bras de Siobhan lui entourent la taille sans prévenir. Elle ne l'a pas entendue venir. Elle a pourtant pris l'habitude d'exercer une attention accrue à son environnement en grandissant dans la demeure de son beau-père. Elle a appris à se prévenir au maximum contre les contacts indésirés.
Un instant, bref, douloureux, éclairant, elle se tend dans les bras de Siobhan, elle a quinze ans, seize ans, dix-huit ans, son frère est derrière la porte à grandir sans le vouloir, sa mère est dans sa chambre à mourir lentement, la main de son beau-père se glisse sous sa jupe et...
Les lèvres de Siobhan se posent contre sa nuque et chassent toutes les images. Il ne reste qu'une larme roulant le long de sa joue qui cristallise sa peine et sa honte et sa cicatrice. Une cicatrice qui ne la définit pas, et qu'elle refuse de la laisser la limiter.
Elle se laisse souplement retourner par Siobhan et répond à son baiser avec une fougue et une certitude soudaines et imprévues.
Je suis Bea, pense t-elle, Bea, pas une victime, entière, pas abîmée.
Un dragon rugit dans sa poitrine.
Elle espère que Siobhan ne se posera pas de question sur sa joue légèrement humide d'une deuxième larme.
Elle ouvre la bouche, elle accueille Siobhan, elle ne respire plus, elle respire fortement, elle mordille la lèvre offerte sous ses dents, ses ongles se plantent dans la chair de la jeune fille, là où elle s'accroche à ses bras pour éviter la chute, la noyade, pas assez fort pour laisser des marques, pas encore.
Elle laisse Siobhan rompre le baiser, reprend sa respiration, ouvre les yeux, les referme quand la blonde commence à embrasser sa cou, sa gorge, elle penche la tête pour faciliter sa progression, jusqu'à son oreille, qu'elle saisit entre ses dents, et Bea gémit, s'agrippe de plus belle, ses jambes devenus liquides, son ventre un brasier.
Siobhan parle, et elle hoche la tête avec avidité, murmurant fébrilement « oui, oui » sans réfléchir et sans savoir à quoi, elle veut juste que ces lèvres ne quittent jamais sa peau, que ce souffle continue de l'emporter, que ces bras ne la laissent jamais partir. Siobhan l'embrasse à nouveau et elle sourit contre ses lèvres, tout son corps se moulant au sien, liane souple ondulante sous les caresses, ses hanches roulant contre celles de la blonde.
« D'habitude (un baiser) les gens conventionnels (un autre) goûte réellement la cuisine d'une fille avant de la complimenter pour l'amener dans leur lit (encore un). »
Elle rit puis soupire puis se mord les lèvres pour retenir un gémissement quand Siobhan descend à nouveau dans son cou et elle n'a jamais pu résister à cette attaque particulière, la base de sa gorge, spécifiquement, est tellement sensible que lorsque Siobhan l'effleure de sa langue ses yeux se renversent derrière les paupières fermées et sa bouche s'ouvre de manière éhontée.
I want you so much.
Encore une fois, ce n'est pas une langue qui lui est particulièrement familière mais le sens de ces mots ne fait aucun doute. Et si elle en doutait, les actes de Siobhan la convaincrait.
Sa main se glisse dans ses cheveux, ces si longs cheveux blonds, si doux au toucher, peut-être la partie la plus douce de cette femme si dure, mais comment pourrait-elle être dure quand ces baisers sont si tendres, si tendres mais brûlants, mais glacés, mais cachant des morsures, et Bea empoigne la chevelure, ses doigts massent le crâne de la jeune femme tandis que ses mains convulsent de plaisir, ses poings s'ouvrent et se referment à chaque assaut de lèvres, et elle murmure oui, et oui encore, et ses hanches sont plaquées contre celles de Siobhan et ses seins douloureusement écrasés contre la poitrine de la jeune femme mais elle ne peut pas s'en détacher, elle ne peut pas, et toutes ses bonnes résolutions tombent en miette, tout son sang-froid s'embrase – et quand a t-elle jamais été propice au sang-froid, elle la fille du feu et des forges brûlantes, elle l'épouse du dragon et l'enfant du soleil – et elle tangue, et elle tombe, il faut qu'elle se rattrape, qu'elle arrête.
« Siobhan ! »
Sa voix devait être douce et apaisante, mais c'est presque un cri essoufflé qui a jailli.
« Siobhan, il ne faut... on ne devrait... »
Elle ne peut pas parler correctement avec ces lèvres qui continuent à vénérer sa peau, alors elle prend doucement la tête de Siobhan entre ses mains, et éloigne sa bouche de son cou (il lui semble entendre sa chair pleurer d'indignation à cette absence révoltante), effleurant son front du sien tandis qu'elle la regarde dans les yeux et lui dit à mi-voix:
« Ta blessure... on ne peut pas... tu pourrais te faire mal... »
De toutes les excuses qu'elle avait sous la main (on se connaît à peine, ce n'est pas très éthique, je refuse d'enlever cette robe tant que tu n'enlèves pas ta dague), il fallait que Bea choisisse celle-ci. Mais c'est la seule qui l'inquiète réellement. Elle plonge ses yeux où l'or se dispute à la nuit dans les prunelles ensorcelantes de Siobhan, et c'est une erreur fatale. Elle détourne le regard avec un sourire à la fois tendre et douloureux.
« Oh je ne peux pas te dire non quand je vois tes yeux... »
Elle rit, et ses mains caressent les joues, et son nez se frotte contre le sien, et sa tête et sa bouche ont beau déclarer que ce n'est pas une bonne idée, tout son corps le veut, le réclame, et l'exige.
« Tu sais j'ai un frère qui a ces mêmes yeux verts. C'est le seul à qui je ne peux presque rien refuser... »
Sa bouche frôle celle de Siobhan, et l'attente la tue, la retenue est un supplice, mais son intégrité se rebelle contre ce qu'elle considère être une faute professionnelle, et une indulgence imprudente. Mais face à son cœur fier et la fureur de son sang, ses scrupules ne valent pas grand-chose.
« Je t'en prie... sois prudente pour une fois, Siobhan. Sois sage. Je ne suis pas sûre de le pouvoir ce soir. »
Elle ferme les yeux, et ses lèvres la brûlent.
x x x
...Your touch got me looking so crazy right now...
Dernière édition par Beatriz Desio le Lun 2 Mar - 0:15, édité 1 fois
Siobhan O'Meara
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